Sophie Lewis, Hystériques & AssociéEs, 2025.
Catégorie : Féminisme
Vagabondes, voleuses, vicieuses
Véronique Blanchard, Les Pérégrines, Pocket, 2018.
https://editionslesperegrines.fr/fr/books/vagabondes-voleuses-vicieuses-0
Ces hommes qui .m’expliquent la vie
Rebecca Solnit, éditions de l’Olivier, 2018.
http://editionsdelolivier.fr/catalogue/9782823612585-ces-hommes-qui-m-expliquent-la-vie
https://www.philomag.com/livres/ces-hommes-qui-mexpliquent-la-vie
L’odyssée des femmes
Murielle Szac, L’Iconoclaste, 2023.
https://www.babelio.com/livres/Szac-LOdyssee-des-femmes/1569959
Sorcières, sages-femmes et infirmières – Une histoire des femmes soignantes
Barbara Ehrenreich, Deirdre English, Cambourakis, 2016.
https://www.editions-rm.ca/livre/sorcieres-sages-femmes-et-infirmieres
La Paix des ruches
Alice Rivaz, Zoé, 1947 / 2022
https://www.alice-rivaz.ch/web.php/34/fr/publication/la-paix-des-ruches
https://www.lemonde.fr/archives/article/1998/03/04/alice-rivaz_3656981_1819218.html
Roman sous la forme d’un journal, celui d’une vie domestique et professionnelle, avec les considérations politiques qu’elle peut inspirer. Une vie ordinaire, voire banale (à l’exception, étonnante et non expliquée, du choix de ne pas avoir d’enfants, choix partagé, celui-là et pas beaucoup d’autres, avec le mari), mais éclairer d’une réflexion soutenue sur ce que les menus évènements du quotidien disent des rapports entre les femmes et les hommes. Ce n’est donc pas un traité philosophique ou politique façon Beauvoir, avant tout un relevé de scènes de la vie quotidienne, à la cuisine ou au bureau. La narratrice tresse de beaux portraits de ses collègues dactylographes, de ses quelques rencontres masculines, des descriptions précises et fines de scènes de travail ordinaire, et des envolées sur la relation de genre, l’amour ou l’amitié, la séduction ou le mariage. Exemplaire peut-être de ce que peut être un journal de bord façon « écrit réflexif », pas tant sur le travail (encore que, de belles pages sur le travail domestique) que sur la vie de couple, et alors, avec un côté un peu désuet pour une lecture éloignée de plusieurs décennies, mais avec la force d’un propos ancré dans le vécu, et dans la découverte, chemin faisant, de ce que la réflexivité peut apporter pour supporter le quotidien, assumer des choix de vie.
Chaque fois que Philippe part pour le service militaire, je vois sur son visage le calme joyeux de celui qui va retrouver les siens. Mieux que tous les livres d’histoire, son expression m’explique leurs grands départs en masse depuis la nuit des temps. Tous ces croisés, ces ligueurs, ces combattants de tant de causes, toutes ces interminables files, ces cortèges en marche vers la lutte et vers la mort. Leurs chants, leurs clameurs qui s’élèvent pour un oui, un non, parfois pour moins encore. Leur hâte à répondre à ce mystérieux appel qui les agglutine. Compagnonnage de l’aventure, des plaies, des hymnes, des serments. Ce qui, à chaque génération, les pousse vers quelque incompréhensible carnage. Et à chaque génération les plus intelligents d’entre eux occupés à mettre un nom, des noms, sur le carnage, afin de l’expliquer et de le justifier.
Parfois je me le demande : qu’avons-nous affaire avec de tels fous ?
Oui, l’homme dans l’exercice de ses pouvoirs terrestres, et le voilà qui devient Attila, Néron, Hitler, Napoléon, et dans l’exercice de son autre puissance il se fait clouer sur des croix, arracher la langue, transpercer de flèches devant les Ève et les Marie consternées qui commencent par se tordre les bras, puis s’affairent pour recueillir les membres épars, ramasser, compter les morts, nettoyer la place.
Alice Rivaz, La Paix des ruches, 1947
Occupy masculinités
Jean-Charles Massera, Verticales, 2023.
http://www.editions-verticales.com/fiche_ouvrage.php?id=479
https://diacritik.com/2023/05/23/jean-charles-massera-la-grammaire-du-gendre-occupy-masculinite/
Le patriarcat des objets – Pourquoi le monde ne convient pas aux femmes
Rebekka Endler. Dalva, 2002.
L’angle est intéressant, prometteur même, et la question d’importance, mais le traitement bien décevant.
Le titre d’emblée suspect, à bien y réfléchir. Il accole deux termes en une figure choc, avec un soupçon d’intrigue. En fait, à le regarder de près, c’est un slogan un peu vide, ce que confirme le sous-titre aguicheur et façon magazine. Ce ne sont pas les objets en eux-mêmes qui relèvent du patriarcat, mais leur conception d’abord, leur usage ensuite, pris dans un contexte social. Ce n’est pas « le monde » qui ne convient pas « aux femmes », parce que l’auteur ne parle que de son petit espace social, ne s’adresse au milieu étroit de son lectorat potentiel.
Je ne suis pas sûr d’en faire partie : beaucoup d’allusions culturelles très contemporaines m’échappent, par ce qu’elles relèvent de l’univers télévisuel ou musical diffusé sur des canaux que je ne fréquente pas. Elle semble poursuivre des discussions entamées ailleurs, sur le mode de forums et commentaires. Pourquoi pas, mais il faut faire partie de sa communauté pour en profiter, ce qui exige un certain cout d’entrée.
Son propos ratisse large sur les questions féministes, bien au-delà des objets. Il y a certes de quoi dire identifier les éléments structurels et des inégalités de genre, au foyer, à l’atelier comme au bureau. Mais il y aurait de quoi approfondir le champ annoncé des objets matériels : elle le fait, superficiellement, pour les vêtements (sans poche, ce qui entraine le recours au sac à main), les selles de vélo, la climatisation (souvent trop froide pour les femmes,), la hauteur des sièges, les médicaments. Mais encore ?
Après Le charme discret de l’intestin, cette lecture interroge sur une approche qui serait spécifiquement française des essais, avec une certaine exigence en termes de réflexion intellectuelle sur la vie sociale ordinaire. Mais tout de même, il y a aussi Habermas ou Rosa de l’autre côté du Rhin. Il est probable que Mona Cholet ou Claire Marin franchisse la frontière dans l’autre sens.
Qu’est-ce qu’il aurait fallu en faire ? Qu’est-ce qui m’aurait convenu ? Fouiller des questions simples, mais radicales : « les femmes », ce sont des corps de diverses tailles, poids, métabolisme, physiologie, selon leur âge, leur contexte socioculturel, etc. La question ne peut pas se réduire à un monde matériel adapté à une femme standard, concomitamment à ce qui est prévu pour un homme standard. Comment faire autrement qu’avec des moyennes ?
Est-ce que le problème n’est pas fondamentalement lié à l’industrialisation, c’est-à-dire la standardisation de la production ? En faisant du cousu main, du fait maison, du do it yourself, on pourrait peut-être (à quelles conditions ?) être davantage responsable de ce qu’on fabrique. Ce serait aussi un sujet à porter entre producteurs et consommateurs autour d’un produit ou d’un service : que faites-vous, les uns et les autres, pour prendre en compte la dimension genrée dans votre activité professionnelle, à commencer par des considérations pragmatiques d’objets matériels ?
Pas de définition conceptuelle ou de modèle argumenté, pas non plus de recherche de démarches alternatives. La distinction stricte entre les femmes d’une part, les hommes d’autre part, est paralysante, s’il s’agit d’y répondre en restant dans les généralités. La question est nécessairement à traiter à plus petite échelle, et diverses échelles. Au niveau individuel, ce ce que chacun peut, pourrait faire, fait déjà, pour adapter le monde matériel à ses caractéristiques et besoins, et pas l’inverse. Au niveau des interactions directes, entre proches, définir des aménagements qui conviennent à tous : des chaises de diverses tailles plus tôt que prévu pour un corps moyen. Par contre, plus on monte dans l’échelle des relations, plus la question du standard est difficile. Et sans doute y a-t-il un seuil où il y a trop de monde à satisfaire pour que ça ne soit démesurément compliqué. D’où l’intérêt de ne pas grimper trop vite dans l’échelle sociale, et même d’abord de grimper le moins possible.
Vers une société du care – Une politique de l’attention
Caroline IBOS, Aurélie DAMAMME, Pascale MOLINIER, Patricia PAPERMAN
Le Cavalier Bleu, 2022
http://www.lecavalierbleu.com/livre/vers-societe-care/
Photocopies
L’approche « idées reçues » est parfois un peu articificielle, incite à l’éparpillement du propos ou du moins à une vision kaléidoscope plutôt que panoramique. Mais ça fonctionne plutôt bien, en particulier parce que c’est bien écrit, attentif aux lecteurs.
Deux interrogations :
- Les débats intellectuels relèvent-ils des « idées reçues » ? Avec une étiquette pareille, le risque est de dévaloriser d’emblée le point de vue de l’autre, ce qui n’est pas très « care »… « Je vous arrête, vous avez mal compris ! »
- Pourquoi ne pas désigner clairement les personnes avec lesquelles on polémique ? Là, on en demande trop au lecteur.
Sur le fond : comment en faire un levier pour éroder le pouvoir des États, des administrations en tout genre ?
Manifeste anarcha-féministe
Des limites de la déclamation : celle qui porte la parole l’accapare. Comment est déterminé le format d’un « manifeste » ? Pourquoi pas plus long, plus court ? Comment savoir si le clou sur lequel on tape est enfoncé ? Tant qu’à dire…
https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/manifeste-anarcha-f%C3%A9ministe-9782228932288