Gérard Mendel, La Découverte, 1992.
https://www.editionsladecouverte.fr/la_societe_n_est_pas_une_famille-9782707121295
Lectures en tout genre
Jacques André, PUF Quadrige, 1995.
https://www.cairn.info/aux-origines-feminines-de-la-sexualite–9782130544173.htm
Page 8. L’amour hétérosexuel ne va pas de soi du fait du caractère pulsionnel (contingence de l’objet, des zones érogènes comme des objets investis par la pulsion) et non instinctuel à (l’instinct renvoyant à la finalité procréatrice) : d’où la psychosexualité, qui déborde l’opposition entre la femme et l’homme (et qui permet par exemple à un psychanalyste d’un sexe d’écouter l’autre).
Page neuf. « La dynamique narcissique est dans l’amour ce qui travaille à refermer des brèches ouvertes par l’irruption de l’irréductible altérité. » (L’autre, l’autre corps, l’autre sujet)
Page 13. « Celui dont les lèvres se taisent bavarde du bout des doigts. »
Page 17. Le père de Dora est séducteur du seul fait d’aimer sa fille ; et non d’abuser d’elle ?
Page 59. « Il est peu vraisemblable qu’une théorie de la sexualité échappe totalement à l’attraction des théories sexuelles inconscientes de son auteur. » (Nathalie Zaltzman)
Il le discute avant tout de la théorie (des théories, des convictions théoriques, des assertions à la fois définitives et incertaines, figées et labiles) de Freud, pour en montrer les fragilités et les indécisions, plutôt qu’il en affirme une autre. Mais ne suffit-il pas de pointer l’importance de ces phénomènes ? Fantasme de la pénétration de l’autre ou de soi, anale ou vaginale, du viol ou de la castration, de l’amour ou du rejet, de soi ou de l’autre : tout ça est bien là, dans des configurations toujours changeantes, selon les individus et les contextes sociaux.
Page 65. Freud et le primat du phallus, c’est comme l’homme qui cherche ses clés sous le réverbère.
Page 117. Anatomie et fantasme (biologique, physiologique et imaginaire)
Page 122. Définition de la « passivité pulsionnelle » : jouir de ce qui (vous) arrive.
Page 123. Du masochisme : du plaisir à avoir mal.
Beaucoup de ses considérations tournent autour (!) de l’opposition fondamentale intérieur/extérieur, et alors ce qui pénètre, et ce que produit la pénétration. Opposition constitutive d’un être : ce qui délimite ce qui me pénètre/ce que je fais sortir (et on retrouve aussi passivité/activité). Ceci dès le souffle : aspirer/expirer. Boulimie/constipation. L’estomac cavité comme le vagin. Même la voix sort de la bouche, celle d’autrui rentre par l’oreille.
Un angle mort, me semble-t-il : les seins, protubérances féminines, qui émettent le lait nourricier. Ça vaut bien le phallus, et alors plus que deux mentions au détour d’un raisonnement.
Mme de La Fayette, 1678. Grasset, 1997
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Princesse_de_Cl%C3%A8ves
Las, des préjugés font obstacle à ma capacité à gouter pleinement à cette œuvre patrimoniale : la vie curiale, d’une immense oisiveté et alors toute centrée sur les relations interindividuelles, animée de jeux de langage sophistiqués, ne me séduit guère. Le confort d’être dégagé de tout souci matériel me semble se payer d’une grande vacuité d’existence, et alors du besoin de paraitre.
PUF, 2011.
https://www.puf.com/content/Psych%C3%A9_anarchiste
Compilation de textes d’orientation psychanalytique beaucoup plus que politique. Elle définit la « pulsion anarchiste » en contrepoint de la « pulsion de mort », pour faire un peu plus sophistiqué que « pulsion vitale », pour aller voir aussi du côté des expériences limites.
Il y a vraiment beaucoup à comprendre dans le discours rabattant l’humanité sur une compétition avec les machines douées « d’intelligence artificielle ». Ça en dit très long sur le degré de mécanisation, d’administratisation (ça mérite bien un néologisme, et bureaucratisation me semble un peu court) de notre société.
Henri Peña-Ruiz, Seuil, 2018.
https://www.seuil.com/ouvrage/karl-marx-penseur-de-l-ecologie-henri-pena-ruiz/9782021135800
Page 152. « Le but constant et la tendance de tout perfectionnement dans le mécanisme sont de se passer entièrement du travail de l’homme ou d’en diminuer le prix. » (Marx, « discours sur le libre-échange » dans Misère de la philosophie).
Page 153. « Le progrès technique peut se faire régression écologique et humaine du fait de son appropriation capitaliste » (HPR)… Et donc non en soi. « Le moyen le plus puissant pour raccourcir le temps de travail » : c’est bien un but en soi.
Page 154. Il limite l’écologie à la « préservation de la nature » sans réfléchir du tout à quelque chose comme des « forces productives durables », une interaction « homme/nature » (pour parler comme Marx lui-même) qui ne soit pas délétère.
Page 158. Il y vient tout de même, mais à propos de l’agriculture (et alors sans suite). Comparaison entre la fertilité du sol et le travail humain : discutable ? Épuiser une terre n’est pas épuiser un homme (abus de métaphore ?).
Page 208. « Revoir l’opposition ville/campagne » : d’un coup, on sort du mouvement dialectique nécessaire, pour envisager ou revendiquer « des mesures tendant à faire graduellement disparaitre la distinction ville/campagne ». Prises par qui ? Portées par quelle force sociale ? Dans quel contexte de développement des forces productives ? Des impensés majeurs !
Page 240. Apologie de la maitrise (Descartes).
La faiblesse de l’élaboration conceptuelle (travail, nécessité vs liberté, progrès, État, etc.) compensée par une certaine faconde tarte à la crème, dans l’air du temps, dans une facilité séductrice plus qu’une exigence intellectuelle. Nettement moins précis et pertinent que Audier ou Gillibert.
https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2012-2-page-121.htm
Serge Audier, La Découverte, 2018.
https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921
Les arguments principaux dans le sens d’une dimension écologique chez Marx et Engels : la revendication (la perspective ? La prophétie ?) d’une dissolution entre villes et campagnes dans le Manifeste. Mais on ne comprend pas bien la dialectique à l’œuvre, si on ne se remet pas un choix volontariste, qui dépasserait alors les déterminismes productifs ou sociaux. Et le sujet ne revient pas par la suite.
La prise en compte de travaux alertant sur l’épuisement des terres (en particulier le chimiste Liebig), parce que ce sont des lectures dans l’air du temps. Par contre, d’autres auteurs comme Sismondi s’occupant eux de dénoncer le caractère éphémère destructeur de la grande industrie sont au contraire vilipendés.
Un peu la même chose pour Lénine : une pincée de sensibilité écologique (en particulier sur la protection des espaces naturels, un décret de début 1918) dans un plat par ailleurs très épicé de par la confiance dans le progrès des sciences pour maitriser le rapport à la nature.
C’est bien écrit, précis et clair, et d’une érudition remarquable, au service d’un axe explicite, bien repris en conclusion. Un peu de la veine de Jablonka, Mazurel : un compilateur aux capacités de travail assez prodigieuses.
L’âge productiviste ne se limite pas aux acteurs du capitalisme (ou alors il faut aller jusqu’à les y intégrer !). Bien des militants « de gauche » partagent l’imaginaire d’une humanité soulagée de ses maux par la mise en œuvre du progrès technique (y compris Audier lui-même, qui nous sert les tartes à la crème sur l’espérance de vie ou le confort moderne tout de même appréciable, n’est-il pas).
Mais ce n’est pas juste une erreur sans conséquence. Se rallier à la perspective de la croissance de la production, c’est contribuer à la folie prédatrice, délétère pour l’humanité, quel que soit le cadre économique, politique (qui ont toujours en commun que ce sont des bureaucraties qui sont à la manœuvre, parce qu’indispensable pour maitriser un tant soit peu ces techniques de production).
Tout le problème (et la distance avec mon approche !) tient en une phrase (page 746) : « seules l’autonomie et la réflexivité individuelles et collectives, repensées dans l’horizon écologique, peuvent nous sauver. »
Pages 745. Il se réfère beaucoup à Castoriadis, en particulier, à commencer par la distinction d’« imaginaire » (en gros, l’imaginaire capitaliste vs l’imaginaire autonomie, démocratie), mais pour reconnaitre ensuite que ces deux catégories « se sont mêlées, combinés, voir mutuellement contaminer », quels sont donc peu opératoires… Et plus loin (page 747) sa conception du progrès, qui ne va pas chercher très loin. Il oppose « l’utopie, l’invention d’une société écologique » à la « croyance » marxiste d’un communisme « prolongement dialectique du capitalisme ».
Jean-Marc Daniel, Tallandier, 2023
https://www.tallandier.com/livre/histoire-de-leconomie-mondiale-2/
Comment est-ce que j’ai pu me faire avoir à emprunter puis transporter un livre aussi prétentieux que creux ? Comment peut-on se sentir légitime à balancer autant de considérations d’opinion sans aucune rigueur d’argumentation ? Il faut tout de même mesurer le succès de ce type de discours.
https://www.melchior.fr/note-de-lecture/histoire-de-l-economie-mondiale
Jean-Pierre Ferrini. Le temps qu’il fait, 2021
http://www.letempsquilfait.com/Pages/Pages%20livres/Page%20nouv.670.html
Laurie Laufer, La Découverte, 2022.
https://www.editionsladecouverte.fr/vers_une_psychanalyse_emancipee-9782348069710
https://www.mouvement.net/laurie-laufer
D’un subtil rapport aux pères (Freud, Lacan) : critiquer ceux qui les dogmatisent, qui s’érigent en défenseurs de la statue indéboulonnable, mais en puisant dans le corpus paternel. Alors, être fidèle ou ne pas l’être ? Se montrer plus freudien ou lacanien (ou marxiste) que les épigones ?
Page 25. Critique de la substantialisation (naturalisation) de concepts, quand il faudrait plutôt les réhistoriciser.
Page 33. « La psychanalyse prolifère sur l’excès, sur les restes irréductibles de la norme. »
Page 37. La psychanalyse permet de dépasser l’opposition entre normal et pathologique en matière de sexualité : donc, ne pas la rabattre sur la normalité d’une différence des sexes.
Le risque constant des psychanalystes : si tu n’es pas d’accord avec moi, c’est bien que j’ai raison.
Page 105. La cure ne vise pas à révéler du refoulé, à verbaliser du non su, mais à inventer autre chose à partir de ce qui est là, réagencer, reconfigurer, faire voir autrement.
Page 107. Promotion de la psychanalyse comme « érotologie » versus « scientia sexualis » normative.
Page 122. De la société du droit (et donc de l’infraction) à celle de la norme (et alors de la pathologie) ?
Page 154. De la dérive identificatoire. Mais désigner, c’est aussi reconnaitre, regrouper avec d’autres, faire collectif.
Pascale Jamoulle, La Découverte, 2021.
https://www.editionsladecouverte.fr/je_n_existais_plus-9782348065101
Le long récit initial d’une situation d’emprise, d’une mère puis de sa fille, dans des contextes familiaux ou politiques, au Chili puis en France m’a paru plus intéressant, plus évocateur de la complexité des situations que les longs développements qui suivent, avec un degré de généralité assez important. Et ce terme, emprise, ne me parait pas très opératoire pour des situations trop singulières. Je ne vois pas bien ce que le travail de conceptualisation à postériori apporte. S’il s’agit avant tout de décrire, autant accorder toute son attention au récit, en le déployant sous toutes ses facettes. Sinon quoi d’autre ? Agir ? Mais une personne « sous emprise » qui serait suffisamment avancée dans le processus pour l’évoquer auprès d’un psychologue l’est-elle encore ? Et si elle n’y est plus, à quoi bon qualifier ainsi le processus ? Pour elle-même, dans une perspective de mise à distance ? En l’occurrence, j’ai comme l’impression d’un élément de diagnostic au service du diagnostiqueur : voilà, j’ai compris ce qui vous arrive.
D’autres questions en friche : peut-on historiciser ces phénomènes ? Comment varient-ils selon les contextes sociaux, culturels ?