L’Homme, une espèce déboussolée – anthropologie générale à l’âge de l’écologie

François Flahault, Fayard, 2018

À quoi mesurer l’excès de prétention ? Le décalage entre l’ambition annoncée, au risque du ridicule, et la qualité de la production intellectuelle ? (Mais comment mesurer une telle qualité ? En racontant le travail de l’auteur ?) Quels sont les indices qui me font repérer toutes les limites de l’intérêt d’un tel livre ? Indices externes : l’éditeur (pas trop dans le créneau universitaire), le préfacier (pas trop dans mes références, neuropsychologue), l’écho (faible) obtenu dans la presse. Indices internes : l’aplomb, jusqu’à l’arrogance, de celui qui a tout compris ce que personne n’avait compris avant lui, qui délivre ses lumières universelles, fort de ses études, de son érudition ; des contradictions internes (là, c’est plus compliqué) :

  • la prétention à aller jusqu’au bout du matérialisme, tout en prétendant renouveler la conception commune de « l’Homme » par la force seule d’un seul le livre, par la puissance (forcément limitée, quoi qu’il dise) du raisonnement de son auteur ;
  • l’abus du langage, c’est-à-dire le manque de rigueur dans l’emploi des mots (sous prétexte de vulgariser, j’imagine, puisqu’il s’agit de renouveler la conception ordinaire de l’homme du social, d’atteindre le quidam). Page 31 : « le cerveau de l’Homo sapiens n’est pas seulement une partie de son corps : c’est une éponge imprégnée de son milieu de vie. Le cerveau de l’Homo sapiens se construit et acquiert ses capacités en étant, en quelque sorte, colonisé par son milieu de vie – mais ce processus n’est pas subi par le cerveau : celui-ci y participe très activement. »
  • L’abus de langage, au sens de la logorrhée : enchainer les idées, les citations, les affirmations, du coq à l’âme, sans jamais prendre le temps de les discuter vraiment.
  • Sous prétexte d’accessibilité, conjuguer simplisme (opposé de « paradigme ») et complexité (en multipliant les références).

Page 39. « Peut-on dire que « il n’y a pas de nature humaine » ? Oui, si l’on admet par là qu’il n’y a pas eu naissance de l’homme (sans H !) faisant de lui un être bon ou méchant, égoïste ou altruiste par nature. Non, si l’on veut dire que l’homme a le pouvoir prométhéen de se faire lui-même. Car il y a bien une nature humaine au sens où l’homme existe nécessairement dans et par un milieu de vie (à commencer par son propre corps). » De quoi vacciner contre l’arrogance intellectuelle ? Elle m’apparait ici crument : peut-être s’en méfier dans d’autres cas ? Écouter ce qui se dit, le plus sérieusement possible, pour ne pas se laisser emporter par le propos. Un critère : ce qui me stimule, me fait cogiter, m’envoie sur de nouveaux chemins, des concepts que je peux m’approprier ; ce qui me fait réagir, me braque, me déplait.

https://www.fayard.fr/sciences-humaines/lhomme-une-espece-deboussolee-anthropologie-generale-lage-de-lecologie-9782213681535

https://www.philomag.com/livres/lhomme-une-espece-deboussolee-anthropologie-generale-lage-de-lecologie

Laisser un commentaire