John L. Austin, Vrin, 1962/2007.
https://www.vrin.fr/livre/9782711617654/le-langage-de-la-perception
La pratique philosophique serait de toujours questionner l’emploi des mots : « que veux-tu dire par là ? » (Ou bien qu’est-ce que tu entends par là, qu’est-ce que tu dis en disant cela ?) Dieu, la liberté, le bien, le réel, directement, percevoir, je, moi, ipséité : mais encore ? Ça consiste en quoi ? « Ce que tu veux dire » : à la fois ce que tu veux signifier (de quoi tu parles) et ce que tu veux produire comme effet en le disant. Ramener au contexte, au particulier, pour ne pas être dupé par la fonction généralisatrice du langage catégorisante, ramenant ce qui est désigné dans l’instant au patrimoine de ce qui a existé, par l’intermédiaire des mots disponibles.
Une question un peu mystérieuse : à quoi bon s’échiner à décortiquer aussi précisément, minutieusement, une conception de la perception de la connaissance du monde que l’on réprouve (l’idée de sens data, défendu par un certain à Hyères) ? Idem pour Bouveresse : qu’est-ce qui me séduit, m’attire chez ces philosophes, leurs jeux de langage auquel je ne participe pas, leurs enjeux institutionnels qui ne sont pas les miens ? Qu’est-ce qui infuse parmi mes propres repères ? Qu’est ce que je cultive comme geste intellectuel ? Je ne suis pas capable d’écrire comme eux, même en faisant semblant. Ou peut-être faudrait-il essayer ? Non, tant il est long de maîtriser un certain usage du langage, de la parole, de l’écrit.
Il faudrait être capable de reprendre cette approche du langage dans le cas de Wittgenstein, au moins pour le Tractatus, pour ne pas s’en laisser compter. Faire le départ entre ce qui relève de la conversation savante en cours entre pairs (en l’occurrence les logiciens) et ce qui touche à un savoir universel, à ce qui est utile au quidam qui manie avec quelques ambitions quelques concepts, voire dans l’ordinaire d’une conversation sur le divin, la science, les croyances, le monde comme il va.
Les philosophes qui jargonnent, qui prétendent cultiver leur propre jardin conceptuel, vont à rebours des usages sociaux et donc éprouvés, sédimentées, patrimonialisés du langage. Bien sûr que chacun, toujours, se réapproprie chaque terme, le singularise, mais ne peut bien longtemps n’en faire qu’à sa tête est toujours plus ou moins soumis à l’usage collectif, doit bien à un moment ou à un autre revenir au sens et pratiques communes.