Peur de manquer – L’angoisse du manque

Nicole Fabre, In Press, 2016/2022.

De la bonne psychanalyse, car ancrée dans la pratique (au risque du conflit idéologique en évoquant des situations cliniques ?). Mais ça me parait bien plus précis et alors évocateur que les généralités façon Mélanie Klein.

Aux origines féminines de la sexualité

Jacques André, PUF Quadrige, 1995.

https://www.cairn.info/aux-origines-feminines-de-la-sexualite–9782130544173.htm

Page 8. L’amour hétérosexuel ne va pas de soi du fait du caractère pulsionnel (contingence de l’objet, des zones érogènes comme des objets investis par la pulsion) et non instinctuel à (l’instinct renvoyant à la finalité procréatrice) : d’où la psychosexualité, qui déborde l’opposition entre la femme et l’homme (et qui permet par exemple à un psychanalyste d’un sexe d’écouter l’autre).

Page neuf. « La dynamique narcissique est dans l’amour ce qui travaille à refermer des brèches ouvertes par l’irruption de l’irréductible altérité. » (L’autre, l’autre corps, l’autre sujet)

Page 13. « Celui dont les lèvres se taisent bavarde du bout des doigts. »

Page 17. Le père de Dora est séducteur du seul fait d’aimer sa fille ; et non d’abuser d’elle ?

Page 59. « Il est peu vraisemblable qu’une théorie de la sexualité échappe totalement à l’attraction des théories sexuelles inconscientes de son auteur. » (Nathalie Zaltzman)

Il le discute avant tout de la théorie (des théories, des convictions théoriques, des assertions à la fois définitives et incertaines, figées et labiles) de Freud, pour en montrer les fragilités et les indécisions, plutôt qu’il en affirme une autre. Mais ne suffit-il pas de pointer l’importance de ces phénomènes ? Fantasme de la pénétration de l’autre ou de soi, anale ou vaginale, du viol ou de la castration, de l’amour ou du rejet, de soi ou de l’autre : tout ça est bien là, dans des configurations toujours changeantes, selon les individus et les contextes sociaux.

Page 65. Freud et le primat du phallus, c’est comme l’homme qui cherche ses clés sous le réverbère.

Page 117. Anatomie et fantasme (biologique, physiologique et imaginaire)

Page 122. Définition de la « passivité pulsionnelle » : jouir de ce qui (vous) arrive.

Page 123. Du masochisme : du plaisir à avoir mal.

Beaucoup de ses considérations tournent autour (!) de l’opposition fondamentale intérieur/extérieur, et alors ce qui pénètre, et ce que produit la pénétration. Opposition constitutive d’un être : ce qui délimite ce qui me pénètre/ce que je fais sortir (et on retrouve aussi passivité/activité). Ceci dès le souffle : aspirer/expirer. Boulimie/constipation. L’estomac cavité comme le vagin. Même la voix sort de la bouche, celle d’autrui rentre par l’oreille.

Un angle mort, me semble-t-il : les seins, protubérances féminines, qui émettent le lait nourricier. Ça vaut bien le phallus, et alors plus que deux mentions au détour d’un raisonnement.

Psyché anarchiste – Débattre avec Nathalie Zaltzman

PUF, 2011.

https://www.puf.com/content/Psych%C3%A9_anarchiste

Compilation de textes d’orientation psychanalytique beaucoup plus que politique. Elle définit la « pulsion anarchiste » en contrepoint de la « pulsion de mort », pour faire un peu plus sophistiqué que « pulsion vitale », pour aller voir aussi du côté des expériences limites.

Il y a vraiment beaucoup à comprendre dans le discours rabattant l’humanité sur une compétition avec les machines douées « d’intelligence artificielle ». Ça en dit très long sur le degré de mécanisation, d’administratisation (ça mérite bien un néologisme, et bureaucratisation me semble un peu court) de notre société.

Vers une psychanalyse émancipée – Renouer avec la subversion

Laurie Laufer, La Découverte, 2022.

https://www.editionsladecouverte.fr/vers_une_psychanalyse_emancipee-9782348069710

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/laurie-laufer-la-psychanalyse-a-du-mal-a-inventer-un-autre-langage-a-penser-au-dela-de-freud-et-lacan_6137992_3232.h

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-idees/la-psychanalyse-doit-elle-etre-en-phase-avec-l-epoque-7608728

https://www.mouvement.net/laurie-laufer

D’un subtil rapport aux pères (Freud, Lacan) : critiquer ceux qui les dogmatisent, qui s’érigent en défenseurs de la statue indéboulonnable, mais en puisant dans le corpus paternel. Alors, être fidèle ou ne pas l’être ? Se montrer plus freudien ou lacanien (ou marxiste) que les épigones ?

Page 25. Critique de la substantialisation (naturalisation) de concepts, quand il faudrait plutôt les réhistoriciser.

Page 33. « La psychanalyse prolifère sur l’excès, sur les restes irréductibles de la norme. »

Page 37. La psychanalyse permet de dépasser l’opposition entre normal et pathologique en matière de sexualité : donc, ne pas la rabattre sur la normalité d’une différence des sexes.

Le risque constant des psychanalystes : si tu n’es pas d’accord avec moi, c’est bien que j’ai raison.

Page 105. La cure ne vise pas à révéler du refoulé, à verbaliser du non su, mais à inventer autre chose à partir de ce qui est là, réagencer, reconfigurer, faire voir autrement.

Page 107. Promotion de la psychanalyse comme « érotologie » versus « scientia sexualis » normative.

Page 122. De la société du droit (et donc de l’infraction) à celle de la norme (et alors de la pathologie) ?

Page 154. De la dérive identificatoire. Mais désigner, c’est aussi reconnaitre, regrouper avec d’autres, faire collectif.

D’où vient la violence ? Ses racines et ses débordements

Gérard Bonnet et alii. In Press, 2022.

Réponse claire, si on peut dire : du tréfonds de la psyché, amassée par les processus de « refoulement », et qui ressurgit par « pulsions », à commencer par la pulsion sexuelle. Les humains les plus quiets sont susceptibles de s’abandonner aux furies, car « ça déborde » quand les « défenses névrotiques » cèdent, quand les « instances juridiques et sociales » ne suffisent plus à la contrer. « Ces poussées sont toujours là, prêtes à surgir, sans respect de l’autre ou de l’environnement, dès que le moi se sent menacé », chez le pékin comme chez le tyran.

L’inconscient ou l’oubli de l’histoire – Profondeurs, métamorphoses et révolutions de la vie affective

Hervé Mazurel. La Découverte, 2021.

Très bien de se méfier de l’anachronisme, quand on récupère Œdipe et Sophocle pour parler de femmes et d’hommes viennois fin-de-siècle. Mais quid de la téléologie, en affirmant (page 28, conclusion du préambule) : « Il a certainement fallu des siècles d’histoire pour façonner les inconscients qui sont les nôtres. » Et toute la conclusion est nourrie par cette idée : il y a un mouvement dans l’histoire, objet d’une description et d’analyse de l’historien. Il y a des tendances, des évolutions au long cours, bien sûr des évènements, des ruptures et des virages, mais que l’on pourrait décrire comme un itinéraire, un seul possible puisque celui qui a été réalisé.

Patrice : C’est une chose que d’étudier la psychologie d’une personne historique, dans son contexte, dans ce que peut en dire un historien d’aujourd’hui ; c’est plus discutable de prétendre saisir des généralités psychologiques sur une époque révolue, sur un univers social étranger ; c’est encore autre chose que prétendre saisir une évolution des phénomènes psychologiques au fil des siècles.

Page 80. De la difficulté des causalités : « L’empreinte intellectuelle [de la psychanalyse] a travaillé jusqu’au sous-sol de notre culture. » Ou bien l’inverse ? « Notre culture » c’est-à-dire les évolutions sociales comme l’urbanisation pour le travail industriel ont fait surgir des phénomènes culturels dont la psychanalyse est une formalisation ?

Page 107 : bon résumé de l’identité narrative

Page 173. Plus la violence recule, plus ce qu’il en reste parait insupportable.

Page 175. Ce que l’individu gagne en sécurité, en intégrité physique, en garantie de longévité, il le paye en obligation de retenue, en exigence de contrôle de soi, insatisfaction personnelle.

Page 276. De quoi l’inconscient est-il fait, sinon d’abord de la pression de la civilisation sur l’impulsion ?

Patrice : Quelle alternative à l’idée de pulsion, sexuelle ou de mort, venue du for intérieur, constitutive même de la nature humaine, et en plus ou moins apprivoisée par l’éducation, la morale, la vie civilisée ? Modèle similaire à la maitrise culturelle de la sauvagerie du monde et des non-humains.

Les usages de la violence, de la sexualité sont d’abord acquis de l’extérieur, dans un parcours personnel de digestion, mais sans déterminisme biologique.

On néglige par exemple les conditions matérielles : faire la guerre avec un sabre, un fusil ou un char d’assaut est radicalement différent, avec des conséquences concrètes sur le rapport individuel à la violence. De façon plus complexe, il y aurait à voir sur les effets de la promiscuité (les villes, les logements, l’espace public). En tout cas, résister au simplisme (voire à la tautologie) d’un processus de civilisation progressive des mœurs.

L’idée d’un « surmoi » n’est-elle pas la généralisation de la nécessité d’une instance de contrôle des individus, qu’il ne faut pas laisser livrer à eux-mêmes ? Directeurs de conscience, policiers, juges, savants experts s’associent pour maitriser le trublion incapable de raisonner.

Page 361. Deux histoires : celle du processus de civilisation vs celle de « l’intense bricolage des pulsions et des bas instincts », obscur et caché, « celle du refoulé et de ses retours compulsifs ».

Cette vision des pulsions (primitive dans le cas de la Horde, du Père) à maitriser par la civilisation (qui, elle, vient d’où ?!?) comme transposition de l’homme aux prises avec la nature ; la ville civilisant la sauvagerie campagnarde, la technologie maitrisant la matière.

Page 413. Objet du livre : « voir la discipline historique hériter de ce qui a fait le cœur de la découverte freudienne, à savoir “le retour du refoulé” (de Certeau) ». Quels chantiers similaires à mener à partir d’une approche de la psychologie par le langage, par les relations plutôt que par l’intériorité ?

Patrice. Comme l’impression qu’il ne parvient pas à se déprendre du modèle psyché (intériorité de l’individu) vs culture (extérieure, qui s’impose au sujet).

Page 421. « D’où vient ce déficit d’attention au social historique dans la prévention des troubles psychiques ? » Il faudrait dénaturaliser les troubles pour reprendre la mesure des « faits sociaux et historiques ». Mais « ces faits » eux-mêmes ne sont pas des données pour le savant ! Il reste à la porte de Wittgenstein (pourtant cité page 419, Bouveresse interposé).

Page 423 : névrose et psychose.

Page 425 : il se débat, en vain je trouve, avec le nominalisme : « la maladie », etc. Bonne citation de Starobinski. Mais il faut en tirer toutes les conséquences !

Page 428. Comment dépasser l’approche par « la part des facteurs culturels, sociaux et historiques dans l’étiologie » ? « La dimension profondément (forcément !) socioculturelle de la personnalité morbide » ? (À commencer donc par la force de cette image de l’enfance, de la profondeur, cachée.)

https://www.editionsladecouverte.fr/l_inconscient_ou_l_oubli_de_l_histoire-9782348070174

https://journals.openedition.org/lectures/52349

https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/09/17/l-inconscient-ou-l-oubli-de-l-histoire-d-herve-mazurel-a-la-jonction-de-l-histoire-et-de-la-psychanalyse_6095086_3260.html

https://esprit.presse.fr/article/pierre-henri-castel/l-histoire-oubli-de-l-inconscient-44006