La renonciation à l’identité – Défense contre l’anéantissement

Georges Devereux, 1964. Payot, 2009.

Il peut être protecteur de résister à la volonté de l’autre de me guérir. Il peut être salutaire de l’empêcher d’y parvenir : en me comprenant, il prend le pouvoir sur moi.
La raison d’être du thérapeute est alors d’ouvrir les potentialités plutôt que de traiter les symptômes en identifiant et surmontant les résistances. Chercher ensemble où il y a des possibles.

La préface est passionnante, le reste trop ardu et peu accessible pour moi. Je ne peux pas tout lire.

https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-renonciation-%C3%A0-lidentit%C3%A9-9782228923002

http://www.centreosiris.org/documentation/centre-de-documentation/article/la-renonciation-a-l-identite-defense-contre-l-aneantissement

https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2007-3-page-47.htm

Quelqu’un à qui parler. Une histoire de la voix intérieure

Victor Rosenthal, PUF, 2019.

Et si l’écriture, comme processus, avait d’abord une dimension d’entrainement à la vie sociale, en soutenant la voix intérieure façon « atelier d’Alice » ? (Page 44)

« Entendre une voix intérieure » (page 50, celle de l’auteur d’un texte) : abus de langage ? Qu’est-ce qu’on entend par « entendre » ? Tout comme « voix », pour désigner un phénomène silencieux ? Est-ce que ce livre tient encore si on invente un autre nom, pour éviter le quiproquo, la confusion ? Il faut bien faire avec la polysémie, l’utilisation d’un même mot pour désigner des réalités différentes. Être lucide ?

Page 71. La voix intérieure comme support à l’autonomisation du sujet vis-à-vis de la norme sociale, il dit même du « prescrit » ! Il est en effet quelque chose qui appartient en propre au sujet, qui lui appartient au plus haut point, qui est on ne peut plus difficile à partager : ce qu’on se dit à soi-même, ce qu’on élabore pour soi.

Page 74. Enseigner, c’est à la fois apprendre à ne pas trop réfléchir, en assimilant, en incorporant des routines, des évidences, des certitudes, mais aussi apprendre à réfléchir, pour se convaincre, s’exercer à penser par soi-même, à ses propres jugements et convictions. Par exemple : apprendre à regarder la Joconde.

Peut-être une question clé de l’apprentissage : à ce moment-là, qu’est ce que vous vous êtes dit ?

Page 116. Citation de Bakhtine. Atelier avec l’intelligence artificielle, qui procède ainsi : créer des suites de mots à partir d’un stock existant. Quelle différence, alors, entre la vie et le calcul ?

Renverser le test de Turing : est-ce qu’un système IA serait capable de distinguer un humain d’un ordinateur ?

Page 118. Principe d’adressivité : « Tout propos, dit ou écrit, proféré à haute voix ou dans son for intérieur, est toujours, nécessairement, adressé à un destinataire, à un public. »

Page 135 : (début de) liste des modes de parole à soi

Page 150. L’organe vocal est d’une complexité considérable, d’autant qu’il emprunte à quantité d’organes qui n’ont rien à voir avec la vocalisation (bouche, mâchoires, nez, gorge, affectés à l’alimentation ou la respiration). On parle, mange, respire par le même orifice. Quelle curieuse machine !

Page 160. Citation de Israël Joshua Singer, La Famille Karnovski

La voix comme instance de mise en relation entre le corps, au sens le plus matériel, et le psychisme, ce que j’ai à dire (et pas seulement la parole, plus abstraite : la voix, avec ses accents, ses ratés, ses dérapages, ses emportements, ses résonances).

La lecture comme voix intérieure : est ce que je lis avec mon accent propre ?

Page 258. Concept de « fictionnement »

https://www.philomag.com/livres/quelquun-qui-parler-une-histoire-de-la-voix-interieure

https://www.puf.com/content/Quelquun_%C3%A0_qui_parler

https://cle.ens-lyon.fr/langues-et-langage/langues-et-langage-en-societe/miscellanees/la-voix-interieure

https://www.rfi.fr/fr/emission/20190331-rosenthal-victor-psychologue-anthropologue-histoire-vie-interieure

Entretiens avec Claude Lévi-Strauss

Georges Charbonnier, Julliard, 1961.

Page 25. Voir une société du dedans ou du dehors (« de l’extérieur »). Que peut-on partager du deuil d’une famille qui n’est pas la sienne, donc « du dehors » ? Mais, si on veut dépasser l’expérience de pensée (et c’est bien le cas de l’ethnologue qui se rend sur « le terrain », beaucoup plus en tout cas que l’historien qui doit se contenter de sources), que fait-on là, au cimetière, si on n’a rien à voir avec le défunt et sa famille ? Si l’ethnologue partage la vie de la société qu’il visite, qu’il a choisi de visiter, qui a négocié, plus ou moins, sa visite auprès d’eux, dans quelle mesure est-il encore à l’extérieur ? Et si l’ethnologue peut accéder, même au sens seulement géographique, à cet autre univers social, c’est bien qu’il est aussi quelque part dedans le même monde, qu’il partage un peu leur forme de vie (et c’est avoir en particulier du point de vue de la langue : les humains les plus étrangers ont toujours réussi par finir à se parler). Mais je dis cela en n’ayant jamais connu cette expérience de l’altérité radicale, à peine celle d’une société non francophone.

Plus perturbant encore : sa revendication de « froideur », de recours à « des indices » (indicateurs ?), et même à des « notes » à attribuer aux sociétés. Difficile de croire qu’il parvienne à mettre ainsi de côté toute empathie avec les humains qui l’accueillent, qui l’hébergent, qui le nourrissent. Il ose pourtant enchainer avec une comparaison audacieuse, effectivement bien froide : la relation entre particules physiques quantiques. Tout comme on ne peut connaitre simultanément la position et la vitesse d’un électron, on ne pourrait pas « chercher à connaitre une société de l’intérieur et la classer de l’extérieur par rapport à d’autres sociétés. » C’est bien peut-être une limite de la préoccupation structuraliste : établir des classements.

Pages 30 et 31. Vision très classique du néolithique : « Tout un ensemble de procédés qui vont permettre aux sociétés humaines, non plus comme aux temps paléolithiques, de vivre au jour le jour, au hasard de la chasse, de la cueillette quotidienne, mais d’accumuler… ». Les artistes rupestres, le maitre des techniques de chasse, les experts de la cueillette des champignons n’apprécieront peut-être pas d’être renvoyés à de l’improvisation quotidienne, à des pratiques hasardeuses. Et l’accumulation des agriculteurs n’est jamais garantie, est toujours menacée parce que les procédés, même les plus modernes, ne suppriment pas les aléas des cultures.

Vision de l’écoulement du temps social absurde : comme si les agriculteurs ou éleveurs novices (!) avaient en ligne de mire, des dizaines de générations à l’avance, le bout du tunnel du paradis néolithique, « quelque chose d’utilisable ». Il est victime, un peu pitoyable je trouve, de la substantivation du « chasseur-cueilleur du paléolithique qui s’essaie aux pratiques agricoles », qui passerait donc, à force d’obstination, du stade novice au stade expert, qui incarnerait à lui tout seul « la révolution néolithique ». Essayez d’imaginer des humains faire des expériences, s’échiner à planter quelques graines, amadouer quelques aurochs, enfin, juste pour voir, ou alors en se disant « ça finira bien par se transformer en froment ou en bœuf, un peu de patience ». C’est profondément cas contradictoire avec une caractéristique essentielle du vivant : chaque individu vit au maximum, de son mieux, avec de bonnes raisons de faire ce qu’il fait, avec des bénéfices immédiats et concrets pour lui. Personne ne reste novice. Le noviciat n’a de sens que dans la perspective de devenir expert, à l’échelle d’une vie humaine. Même aujourd’hui, où le développement des sciences a considérablement élargi les horizons temporels, personne ne travaille pour les générations à venir, à moins d’être très conscient que ce serait aussi son intérêt à court terme.

Ce qui ne va pas, dans le fond : c’est une vision déterministe, téléologique de l’histoire, là aussi vu « de l’extérieur », c’est-à-dire non pas du point de vue de Sirius, mais du point de vue d’une autre société humaine, tout en haut de la hiérarchie, de la pyramide des sociétés, « développée » (qui considère qu’elle a fini de se…). Deux erreurs majeures : les autres sociétés ne sont que des stades antérieurs de développement, « primitives » ; la nôtre est aboutie. Tout le vivant montre le contraire : chaque être, chaque écosystème est abouti, ou plus exactement vit de son mieux, est engagé dans une dynamique optimale de développement. Il n’y a pas d’être ébauche, croquis, esquisse d’êtres à venir. Même un embryon est très adapté à son milieu. Même un bébé se débrouille, en général, y parvient dans la plupart des cas, pour qu’on s’occupe de lui.

Est-ce encore vrai pour les techniques ? Y a-t-il eu « des ébauches d’écriture » (page 32) ? Non, pas plus qu’un téléphone à quatre ans et un fils et une ébauche de Smartphones. Oui, parce qu’il y a une démarche consciente, volontariste de perfectionnement de la part de l’ingénieur (et c’est une métaphore parasite ensuite la biologie ou l’histoire, à la recherche d’un deus ex-machina de l’évolution du vivant et des sociétés).

Page 40. De nouveau « ébauche », cette fois « de société politique et de gouvernement ». Cette récurrence est significative du poids des représentations d’une époque, y compris (surtout ?) chez des intellectuels.

Page 62. « Niveaux d’authenticité » : correspond assez bien l’idée qu’une décision doit être prise au plus près des individus qui sont en mesure de l’assumer par leur activité.

« Le fait de posséder une automobile ne m’apparait pas comme un avantage intrinsèque, c’est une défense indispensable, dans une société où d’autres gens ont une automobile ; mais si je pouvais choisir, et si tous mes contemporains voulaient bien y renoncer aussi, avec quel soulagement porterais-je la mienne au rebut ! »

Les sens de la maison

Revue Sensibilités, 2017

Curieuse (et profonde ?) polysémie du titre :

Les sens, comme les cinq sens ? Ce que fait la maison au corps (aux corps) qu’elle abrite, en limitant la vue (par les murs) en contenant les odeurs) d’où la VMC) ; en isolant du froid et du vent, et alors en assurant une température stable ; en supprimant les bruits extérieurs pour faire résonner les paroles. Ce que font les corps dans la maison : on peut vivre, voire on doit rester immobile, statique ; on y fait corps avec ceux qui habitent la maison, en distinction de ceux qui la visitent, et de ceux qui n’y rentrent pas. Ceux qui ont la clé, ceux à qui on ouvre la porte, ceux qui ne se permettent même pas d’y toquer (ou bien qui y pénètrent par effraction).

Le sens, comme la signification qu’on lui donne. La symbolique positive (Home Sweet Home, la maison comme havre) ou négative (la maison hantée). La maison protectrice, maternante, cocon. La maison protégée, enceinte, grillagée. La maison huis clos, prison (« Va dans ta chambre ! », le gynécée, la cave ou le grenier secret).

Le sens de circulation : la maison espace clos et ouvert (pour recevoir, pour produire). La maison inscrite dans un environnement : au sens strict, un jardin, au plus large, dans un territoire rural. En tout cas la maison qui n’est pas l’immeuble, l’insula, le domus.

Citation Cézanne page 107 : de la relativité des points de vue (celui des paysans étant fortement dévalorisé, raillé en l’occurrence) sur un paysage. Le tâcheron de passage ne voit pas la même montagne Sainte-Victoire !

Augustin Berque, page 108 : la campagne comme lieu de villégiature des urbains de retour de la ville, mais en déconnexion du travail productif paysan (le jardinage se limite à l’autoconsommation). Le pavillon pendant fixe de la voiture : l’un ne va pas sans l’autre, avec tout ce que ça peut avoir d’enfermant, de cloisonnement. La voiture pour aller d’un pavillon à un autre.

Il y a des dieux

Frédérique Ildefonse, PUF, 2012.

https://www.puf.com/content/Il_y_des_dieux

https://culture.uliege.be/jcms/prod_1302903/fr/frederique-ildefonse-il-y-a-des-dieux

Le rituel pour faire sans penser : une série d’actes balisés, convenus, et alors rassurants en ce qu’ils dispensent de l’épreuve de la recherche de sens. C’est comme ça, parce que c’est le rituel en lui-même qui veut ça. L’injonction permanente à donner du sens est propre au monothéisme (platonisme ?) affirmant une cause unique à la marche du monde : le péché originel, la volonté divine, le dogme. Le polythéisme est du côté de la pluralité : la pluralité des causes, des instances psychiques intérieures (vs un « moi » unitaire), laisse de la place à la disparité, au foisonnement, à la coexistence (à rebours du sujet cartésien sartrien).

« Ne pas s’identifier à ces états permet de laisser la place, le jeu pour le changement, le fait d’échapper à la répétition. Le vieil auxiliaire, l’associé et le complice de la répétition, c’est l’identification — identification qu’en un certain sens présuppose l’accord platonicien, l’assentiment stoïcien. Il s’agit ici de désadhérer, de lever l’adhérence. »

« Ce qui nous intéresse, c’est la structure propre de la mystique africaine, en opposition à la mystique chrétienne. Tandis que cette dernière s’achemine vers la fusion de l’âme, par une lente ascension à travers la nuit des sens et la nuit de l’esprit, l’autre tourne autour des dieux qui viennent posséder l’arme et, par conséquent, en une descente du surnaturel dans le naturel. […] L’individu ne nait pas complet ; il nait par fragments successifs, par étapes, de telle sorte qu’il ne meurt pas non plus en une seule fois, quand il rend le dernier soupir ; il meurt aussi peu à peu. L’homme n’existe en tant qu’homme, que lorsqu’il possède un certain nombre d’âmes, toute une stratification psychologique intérieure, premièrement l’âme de l’aïeul, après le nom sacré et secret, l’âme des forêts, et enfin l’orixà qui vit en lui comme une sorte d’ange gardien qu’il visiterait. » (Roger Bastide)

L’Homme, une espèce déboussolée – anthropologie générale à l’âge de l’écologie

François Flahault, Fayard, 2018

À quoi mesurer l’excès de prétention ? Le décalage entre l’ambition annoncée, au risque du ridicule, et la qualité de la production intellectuelle ? (Mais comment mesurer une telle qualité ? En racontant le travail de l’auteur ?) Quels sont les indices qui me font repérer toutes les limites de l’intérêt d’un tel livre ? Indices externes : l’éditeur (pas trop dans le créneau universitaire), le préfacier (pas trop dans mes références, neuropsychologue), l’écho (faible) obtenu dans la presse. Indices internes : l’aplomb, jusqu’à l’arrogance, de celui qui a tout compris ce que personne n’avait compris avant lui, qui délivre ses lumières universelles, fort de ses études, de son érudition ; des contradictions internes (là, c’est plus compliqué) :

  • la prétention à aller jusqu’au bout du matérialisme, tout en prétendant renouveler la conception commune de « l’Homme » par la force seule d’un seul le livre, par la puissance (forcément limitée, quoi qu’il dise) du raisonnement de son auteur ;
  • l’abus du langage, c’est-à-dire le manque de rigueur dans l’emploi des mots (sous prétexte de vulgariser, j’imagine, puisqu’il s’agit de renouveler la conception ordinaire de l’homme du social, d’atteindre le quidam). Page 31 : « le cerveau de l’Homo sapiens n’est pas seulement une partie de son corps : c’est une éponge imprégnée de son milieu de vie. Le cerveau de l’Homo sapiens se construit et acquiert ses capacités en étant, en quelque sorte, colonisé par son milieu de vie – mais ce processus n’est pas subi par le cerveau : celui-ci y participe très activement. »
  • L’abus de langage, au sens de la logorrhée : enchainer les idées, les citations, les affirmations, du coq à l’âme, sans jamais prendre le temps de les discuter vraiment.
  • Sous prétexte d’accessibilité, conjuguer simplisme (opposé de « paradigme ») et complexité (en multipliant les références).

Page 39. « Peut-on dire que « il n’y a pas de nature humaine » ? Oui, si l’on admet par là qu’il n’y a pas eu naissance de l’homme (sans H !) faisant de lui un être bon ou méchant, égoïste ou altruiste par nature. Non, si l’on veut dire que l’homme a le pouvoir prométhéen de se faire lui-même. Car il y a bien une nature humaine au sens où l’homme existe nécessairement dans et par un milieu de vie (à commencer par son propre corps). » De quoi vacciner contre l’arrogance intellectuelle ? Elle m’apparait ici crument : peut-être s’en méfier dans d’autres cas ? Écouter ce qui se dit, le plus sérieusement possible, pour ne pas se laisser emporter par le propos. Un critère : ce qui me stimule, me fait cogiter, m’envoie sur de nouveaux chemins, des concepts que je peux m’approprier ; ce qui me fait réagir, me braque, me déplait.

https://www.fayard.fr/sciences-humaines/lhomme-une-espece-deboussolee-anthropologie-generale-lage-de-lecologie-9782213681535

https://www.philomag.com/livres/lhomme-une-espece-deboussolee-anthropologie-generale-lage-de-lecologie

Voyage à Tombouctou

René Caillié, 1830. La Découverte, 1996.

Biographie impressionnante : un jeune d’extraction modeste, originaire des Deux-Sèvres, rapidement orphelin, qui apprend à lire et écrire à l’école, mais guère davantage. Il s’enflamme pour les récits de voyages, les livres de géographie, Robinson, et décide de partir, en 1816, à 17 ans : destination le Sénégal. Pour autant, il maitrise remarquablement la langue, et capable d’écrire un journal très bien rédigé, précis, très évocateur.

Un peu décevant sur le fond : le propos m’a paru accaparé par les conditions de son voyage, les péripéties de ces efforts pour se joindre à des colonnes de marchands et de soldats, d’expéditions autant militaires que commerciales, à l anarration des épreuves en tout genre, l’environnement géographique (la chaleur, les insectes, le manque d’eau, etc.) et politique (des sociétés très loin d’être passives et soumises, qui en font voir de toutes les couleurs aux impétrants européens). Sa résistance physique est très impressionnante, malgré la modestie de l’équipement matériel, les contraintes pour se procurer les éléments de base de la survie, la barrière des langues.

https://www.editionsladecouverte.fr/voyage_a_tombouctou-9782707153586

https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1982x016x004/HSMx1982x016x004x0273.pdf

Le sauvage et le politique

Édouard Jourdain, PUF, 2023

Même assortie de précautions d’usage, la distinction raide entre « sociétés sans État » (immense paquet !) et sociétés étatiques (idem !) structure beaucoup trop le propos. Dans ces conditions, évidemment, il trouve ce qu’il a posé d’avance ; comme il faut bien faire quelque chose des continuités, territoriales ou temporelles, il écrit des propos comme « dans les sociétés qui voient poindre l’État, les prêtres vont avoir la fonction de doubler le roi. » Que de maladresses, pas seulement syntaxiques !

Je ne suis pas convaincu par les grandes généralités anthropologiques sur le sacré, la peine de mort, le sacrifice, le rituel, en circulant à toute berzingue du Moyen Âge européen aux civilisations précolombiennes, en passant par l’Antiquité, le tout soutenu par René Girard (cf. page 89)

Mal écrit, mal pensé : synthèse sur Engels (ô combien maladroite) page 199 et suivantes. Encore un compilateur bibliophage, faible en conceptualisation, et beaucoup moins fort en synthèse que d’autres (Mazurel). De la dissertation étudiante : page 167,170, etc.

Perspectives : page 329. Des collectifs humains et non humains sur les territoires (« des alliances »). Page 338 et suivantes : les pirates comme modèle. Page 356 et suivantes : de bonnes règles démocratiques (consensus, délibération, etc.)

Il y a de quoi s’appliquer à comprendre ce qui ne va pas, tout comme un musée de province permet de saisir ce qui va, ce qui est fort dont des œuvres majeures. À regarder à la hauteur de la phrase (le plus facile : construction maladroite, charabia, amphigouri), de la construction (au secours mes maitres ! Vite, des exemples, des citations pour soutenir les idées branlantes), du propos d’ensemble (plus dur, mais introduction et conclusion donne un bon aperçu de la vacuité du propos).

Peut-être que ce type de livre manifeste l’épuisement de cette approche de l’essai du penseur solitaire qui se noie dans l’océan des livres publiés et qui tente une compilation/synthèse hétéroclite, tambouille sans conscience, cohérence, nouveauté.

https://www.puf.com/content/Le_sauvage_et_le_politique

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/09/le-sauvage-et-le-politique-d-edouard-jourdain-un-autre-regard-sur-la-civilisation_6172631_3232.html

https://lundi.am/Nouvelles-conjurations-sauvages

Le Monde magique

Ernesto de Martino, 1948. Institut d’édition Sanofi-Synthélabo, 1999.

Rapidement feuilleté… Trop érudit ! Trop référencé à un univers intellectuel qui ne m’est pas familier, avec donc un cout d’entrée excessif.

https://www.editions-bartillat.fr/fiche-livre.php?Clef=542

https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/03/06/le-monde-magique-d-ernesto-de-martino-des-pouvoirs-magiques-bien-reels_6116351_3260.html

https://journals.openedition.org/assr/68433

https://www.persee.fr/doc/gradh_0764-8928_1991_num_10_1_1393

Violence partout, justice nulle part

Monde commun, n°1 – PUF, septembre 2018

Des banlieues parisiennes à l’Assam, de l’Iran au Mexique, un même constat émergeant, écrasant : la symétrie d’usage de la violence de part et d’autre de la légalité ; et même la dissymétrie, comme si l’uniforme, le droit, les procédures couvraient une violence plus dure contre les êtres dominés. La défense du pouvoir en place autorise des pratiques violentes même contre des mouvements inoffensifs ou beaucoup plus faibles, avec le soutien d’une propagande sans fard : c’est au nom de la paix civile que l’État mène la guerre contre ses populations. Il faut alors être très violent pour provoquer l’État sur son terrain, assumer la confrontation désignée comme « lutte contre le terrorisme », séditions, menaces contre l’ordre social.

La revue se limite à opposer à cette violence étatique une aspiration à la justice, avec la confusion classique du terme (appareil judiciaire/valeurs morales). Quitte à percevoir la grande difficulté à obtenir celle-ci de celle-là ! Dommage que ni éditorial ni les articles n’aillent plus loin : quelle alternative à la violence étatique en refusant le jeu violence/contre violence, appareil d’État légitime/illégitime, complicités croisées ? Des propositions un peu différentes : les associations de banlieues qui dénoncent les violences policières sans y répondre sur le terrain (ou en complément des émeutes) ; des mouvements rebelles féministes en Assam ; l’anthropologue qui se dérobe aux représentations (journalistes, agent de DEA).

Autre trait frappant : comme les appareils violents sont symétriques, on circule sans souci de l’un à l’autre, y compris le pire mercenaire du Katanga, ou les repentis guérilléros.

https://www.puf.com/content/Violence_partout_justice_nulle_part