Laurent de Sutter, Flammarion Climats, 2023.
Auteur/autrice : ecridures
Un monde sans ressources – Besoin et sociétés en Europe (XIe-XIVe siècles)
Mathieu Arnoux. Albin Michel, 2023.
Si on entend « ressources » dans sa finitude (et c’est même vrai pour les « RH »), on ne doit pas en user sans se poser la question de meilleurs usages potentiels. Cas extrêmes : le pétrole brulé dans un réservoir de voitures, les métaux rares dispersés dans un missile ayant vocation à exploser, ou même l’électricité nucléaire pour éclairer le jour.
Bonne synthèse : page 176, page 192. Page 200. Remarquable prudence dans la formulation de l’historien professionnel pour éviter les tournures téléologiques (progrès, évolution, etc.) : « un processus lent et complexe de transformation du groupe social des dominants féodaux, aboutissant à l’établissement d’une organisation régionale et d’une hiérarchie dictée par la prééminence du souverain. »
Le « Haut Moyen Âge » est une période très discrète en source faute d’institutions émettrices d’écrits, faute de milieu urbain. C’est pour autant une organisation économique et sociale très durable (page 207). Immense différence avec la période suivante (voire précédente) : les paysans (les producteurs en général) n’ont pas besoin de produire de surplus pour alimenter les « oisifs » (ceux qui ne produisent pas directement, ou qui ne participent pas directement au processus de production alimentaire, et en particulier pas besoin de se consacrer à la céréaliculture, modalité la plus favorable à l’imposition [cf. Scott, Arnoux n’en parle pas]).
Estimation pour le XIVe siècle : un feu paysan approvisionne cinq autres feux urbains en céréales. Ils seraient beaucoup plus facilement autonomes (et donc heureux ?) avec une production plus diversifiée (légumes, fruits, volailles, etc.). Y avait-il des famines et épidémies au Haut Moyen Âge ?
Le développement économique du XIIIe siècle va avec l’augmentation des structures de production. Par exemple « les granges » cisterciennes, entreprises agricoles orientées vers l’alimentation des abbayes, et au-delà des centres urbains. L’accroissement des volumes de production, des moyens techniques, des réseaux de diffusion, et alors des infrastructures économiques et gestionnaires vont de pair, éloigne producteurs et produit de son travail.
Principal besoin en énergie : le moulin, pour moudre le froment !
https://www.albin-michel.fr/un-monde-sans-ressources-9782226477583
https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2023-2-page-75.htm
L’archéologie du savoir
Michel Foucault, 1969. Gallimard.
Photocopies
Comme l’impression d’un écrit d’un jet, de cogitations intérieures directement retranscrites, d’un flux de pensée posé tel quel sur le papier, d’une invitation à suivre vaille que vaille dans une exploration, sans se retourner, sans s’inquiéter de son lecteur. Dans un cours ou une conférence, l’orateur prend plus ou moins en compte, plus ou moins consciemment, les réactions pour préciser tel ou tel point, prendre un exemple, passer plus vite sur tel ou tel développement. Lui peut se permettre des raisonnements au long cours, argumentés, appuyés de référence, produits de longues cogitations (en l’occurrence les questions de méthode dans la mobilisation des archives, l’élaboration des concepts, l’épistémologie de l’historiographie). C’est souvent fastidieux à lire, peut-être faudrait-il l’écouter fait recours ?
Autre réserve : c’est un texte très daté, là aussi davantage de l’ordre de la conversation en cours dans les milieux intellectuels qu’il fréquente que d’un traité intemporel. Son propos s’adresse aux érudits fouilleurs d’archives, aux rats de bibliothèque, aux lettrés : une sphère professionnelle prestigieuse, mais finalement assez étroite, et assez loin du monde des pratiques, de la vie sociale ordinaire.
Il poursuit le débat engagé lors d’un colloque de la semaine précédente, réagit à ce qu’il vient de lire, prépare son intervention dans une prochaine publication, et s’adresse alors essentiellement à ses pairs.
Comme toujours, à voir comment pratiquer la mise en abyme : lui appliquer en retour ses méthodes archéologiques, pour lire ce texte en ne se laissant pas attraper par les concepts d’oeuvre ou d’auteur, de discipline ou de genre littéraire, l’inscrire dans une pratique, un milieu, des controverses ?
Certains passages en « je » montrent explicitement le philosophe dans ses cogitations, ces questionnements, son travail inachevé. Le livre s’achève même par un dialogue avec un interlocuteur imaginaire, qui reste à convaincre.
Tout de même, une forme de logorrhée verbale, dont atteste le recours à l’énumération, à l’enchainement d’expressions pour tenter de cerner une idée qui aurait gagnée à être murie et alors soigneusement, exposé avec concision. Je lis une forme de précipitation à vouloir tout dire sans vraiment retravailler le propos. Nous voilà très loin des aphorismes Wittgenstein pourtant lui aussi un familier de la parole professorale.
https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/L-archeologie-du-savoir#
Une question de taille
Olivier Rey, 2022. Stock, 2014. Éditions du Rocher – Litos, 2022.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Olivier_Rey_(philosophe)
Page 23. Dix milliards d’êtres humains sont nés au XXIe siècle, soit un humain sur dix en remontant à la préhistoire de l’espèce. Qu’est-ce que donnerait un parlement représentant les morts et les vivants ? Et que faire d’un profond sentiment d’anormalité de vivre une telle époque, d’être l’un de ces dix milliards ?
Son entrée par les questions de taille et d’échelle lui permet d’être limpide et aiguisé sur des enjeux majeurs : l’anormalité profonde de notre monde dans l’histoire du genre et même du vivant, son insoutenabilité, ses fausses promesses d’illusions.
Une limite : l’étonnement devant l’absence d’écoute ou de prise en considération des appels à la modération des philosophes, quand la recherche du développement maximum, la régulation par la confrontation à l’environnement plutôt que par un choix interne, me semble constitutif du vivant.
Page 34. De l’invasion d’objets, pratiques, indispensables, mais éphémères, jetables, de mauvaise qualité intrinsèque.
Page 37. « À l’époque de la production en série, on ne détruit jamais que des exemplaires au lieu des “choses mêmes”. » (Günter Anders)
Page 39. Le travail humain invisible dans un objet manufacturé ? Considérer, respecter, reconnaitre le travail, certes, indispensable dans le travail processus, mais qu’en fait-on pour le travail produit, l’objet fabriqué ?
Pris dans sa lecture caustique du monde, il me semble dévaloriser la résistance des sujets et des corps à l’artificialisation. Dans quelle mesure (question majeure) l’hôpital est-il aussi, tout de même, un lieu de soins, d’humanité ?
Page 41. La division du travail a-t-elle rabougri la subjectivité ? Expert de trois fois rien, au détriment d’une culture universelle de l’artisan ? Externalisation des savoirs techniques, au détriment de la sagesse intérieure ? « L’hypertrophie de la culture objective va de pair avec une atrophie de la culture personnelle. » (Günter Anders) est-ce qu’on se sent bête face à un smartphone ? Face à « l’intelligence artificielle » ?
Page 43. La fermeture des objets techniques (impossibles à réparer) nous restreint à leur utilisation.
Mais la question décisive n’est pas celle de l’impuissance du quidam devant une centrale nucléaire ou un data Center : c’est l’impuissance collective postindustrielle. On a inventé un usage patrimonial de la cathédrale. Que sera-t-il fait des usines chimiques ? Il prend au sérieux l’argument « retour à l’âge des cavernes » comme si le franchissement de seuils technique (emballement, rythme infernal) relevait d’un choix conscient, collectif ou de quelques acteurs.
Déplacements : lui comme Illitch ou Jean-Pierre Dupuy en reste à une logique de performance. La critique de la voiture comme inefficace eu égard à ses externalités négatives. Mais si ce n’est pas une question de performance, c’est un autre ressort qui a abouti à son hégémonie, et pas un choix rationnel. Reste donc à l’identifier, et en faire quelque chose.
Rechercher l’intégration, quand la division du travail pousse à la distinction ? Au contraire à des niveaux supérieurs de coordination, de coopérative ?
Page 54 : citations Jean-Jacques Rousseau.
Page 57. Le problème n’est pas tant le ravage de la nature que celui des sociétés humaines. Non pas lutter contre le réchauffement climatique (comme un excès, un faux frais d’un monde par ailleurs satisfaisant), mais pour une société heureuse, vertueuse, digne.
La division extrême du travail se paie aussi de la concentration du pouvoir de décision dans les mains de satrapes omnipotents, experts en tout.
Dépendance au réseau : les individus pris dans les mailles du collectif de la production matérielle (alimentation, déchets, eau, électricité, etc.)
Page 110 : « Plutôt que d’en tirer les conclusions qui s’imposent, nous préférons, par paresse d’esprit et par paresse tout court, détourner le regard. » Un peu moralisateur, non ?
Page 112. Déclinaison de Malthus en ingénierie sociale : « les problèmes sociaux ont la tendance malheureuse à croitre exponentiellement avec la taille de l’organisme qui les porte, tandis que la capacité des hommes à y faire face, si tant est qu’elle puisse augmenter, croît seulement linéairement. » Exemple de la délinquance : accroissement du sentiment d’irresponsabilité, et alors du besoin de contrôle policier (page 119). Idem pour la guerre, la pauvreté, le chômage (page 125)
Mais voilà : l’entrée par « la juste mesure » ne traite pas la question du développement ni de ce qui peut contenir l’expansion. Une fois à la juste mesure, fin de l’histoire ?
Page 148 : Copernic, fin des limites ?
Page 150 : harmonisation du système métrique, des notes en musique.
Page 154 : perte des sens (en particulier tactiles, olfactifs)
Page 160 : lecture vs mémoire. Verba volant scripta manent.
Page 167. L’ordre alphabétique et l’imprimerie comme « rapport désincarné à l’écrit ». Finira-t-on par revenir à une échelle naturelle ?
Chapitre 5. Les échelles naturelles
Un organisme grandit jusqu’à une taille et un poids adéquats, soutenables. Un être humain deux fois plus grand n’est pas deux fois plus fort (et même deux fois plus fragile). Un arbre finit toujours par s’arrêter de grandir (mais pas de croitre ?). Les lois physiques, à commencer par la gravité d’une part, le rapport surface/volume d’autre part implique des ajustements selon les échelles. Une fourmi peut transporter son poids, pas un éléphant. Par contre, elle se noie dans une goutte d’eau. Une variation de taille entraine une variation de forme. Il en est de même pour les collectifs humains : on ne peut pas espérer les mêmes dynamiques à trois, trois-cents ou trois-milliards. « La taille détermine le type d’organisation possible », du point de vue physiologique, mais aussi sociologique et politique.
Page 220. « De même que chaque forme vivante se développe à une certaine échelle et ne demeure viable qu’entre certaines bornes, la plupart des concepts se sont élaborés à l’intérieur d’un certain horizon quantitatif, explicite ou implicite, au-delà duquel ils perdent leur sens ou deviennent, tout en gardant leur nom, quelque chose de tout à fait différent. »
Page 221. cf. citation d’Aristote sur la taille d’une cité. Certes, mais dans les conditions techniques et matérielles de l’époque.
Page 239. Gombrowicz à la plage avec des scarabées.
Des effets de la taille d’une société sur sa dépersonnalisation : les bureaucrates gèrent des flux, des masses, des indicateurs et pas des hommes. Staline : un mort est une tragédie, cent-mille morts de la politique.
Page 250 : Illitch et l’Éthiopie.
Page 270 :. Malheureusement, ça capote parvenu aux perspectives. « Si équilibre il y a, il est moins à chercher dans une attitude idéale que dans le va-et-vient entre attitudes distinctes, voire opposées. » Pourquoi pas mieux ?
Page 275. « Il nous (?) faut reconnaitre que, au point où nous (?) en sommes, adopter la voie (?) de la décroissance n’est pas sans danger. » (Truisme, voire tautologie, le prédicat ne disant rien de plus que le sujet)
Page 278. Il vire même au recours au religieux, à la divinité comme instance imposant des limites, et au plaidoyer pour le christianisme (page 301). Le vrai, bien sûr, celui des origines, non pas celui qui a été dévoyé par les gnostiques ou les bureaucrates de la charité.
Page 303 : « Citoyens, le XIXe siècle est grand, mais le XXe sera heureux ! » (Victor Hugo)
Page 305. « Les hommes commencent à comprendre que non seulement le palais ne sera jamais terminé, mais qu’il s’écroule sur eux, et qu’au lieu de mener la vie de château, c’est dans ses ruines qu’il leur faudra apprendre à vivre. » (encore ce « nous », particulièrement malvenu pour soutenir que [phrase précédente] « depuis deux siècles, les hommes vivent dans un chantier permanent. » Mais qui sont les architectes, les promoteurs, les chefs de chantier et les manards ?)
Page 307. Vacuité de l’idée de solidarité internationale, de sentiment d’appartenance à une commune humanité ?
Page 312. Critique de l’injonction à être responsable pour la planète : « nous déplorons la destruction de la forêt tropicale que nous sommes incapables d’empêcher, et nous laissons défigurer notre environnement immédiat que nous pourrions défendre, nous laissons massacrer l’endroit où nous avons grandi. » (Sept occurrences de « nous »…)
La vie et les opinions de Tristram Shandy, gentilhomme
Laurence Sterne, 1759. Traduction de Guy Jouvet, Éditions Tristram, 2004.
Comme La route des Flandres, mais deux-cents ans plus tôt, un livre que je goute, que je picore plutôt que je le dévore. Et sans boulimie ! Ou alors il faudrait s’y plonger soigneusement équipé, dument outillé, pour en faire le siège puis s’emparer du pachyderme et le digérer, élaborer pour de bon. Peut-être un livre à posséder, pour y revenir parfois, se familiariser avec le style, apprivoiser tant de truculence.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vie_et_opinions_de_Tristram_Shandy,_gentilhomme
Le patriarcat des objets – Pourquoi le monde ne convient pas aux femmes
Rebekka Endler. Dalva, 2002.
L’angle est intéressant, prometteur même, et la question d’importance, mais le traitement bien décevant.
Le titre d’emblée suspect, à bien y réfléchir. Il accole deux termes en une figure choc, avec un soupçon d’intrigue. En fait, à le regarder de près, c’est un slogan un peu vide, ce que confirme le sous-titre aguicheur et façon magazine. Ce ne sont pas les objets en eux-mêmes qui relèvent du patriarcat, mais leur conception d’abord, leur usage ensuite, pris dans un contexte social. Ce n’est pas « le monde » qui ne convient pas « aux femmes », parce que l’auteur ne parle que de son petit espace social, ne s’adresse au milieu étroit de son lectorat potentiel.
Je ne suis pas sûr d’en faire partie : beaucoup d’allusions culturelles très contemporaines m’échappent, par ce qu’elles relèvent de l’univers télévisuel ou musical diffusé sur des canaux que je ne fréquente pas. Elle semble poursuivre des discussions entamées ailleurs, sur le mode de forums et commentaires. Pourquoi pas, mais il faut faire partie de sa communauté pour en profiter, ce qui exige un certain cout d’entrée.
Son propos ratisse large sur les questions féministes, bien au-delà des objets. Il y a certes de quoi dire identifier les éléments structurels et des inégalités de genre, au foyer, à l’atelier comme au bureau. Mais il y aurait de quoi approfondir le champ annoncé des objets matériels : elle le fait, superficiellement, pour les vêtements (sans poche, ce qui entraine le recours au sac à main), les selles de vélo, la climatisation (souvent trop froide pour les femmes,), la hauteur des sièges, les médicaments. Mais encore ?
Après Le charme discret de l’intestin, cette lecture interroge sur une approche qui serait spécifiquement française des essais, avec une certaine exigence en termes de réflexion intellectuelle sur la vie sociale ordinaire. Mais tout de même, il y a aussi Habermas ou Rosa de l’autre côté du Rhin. Il est probable que Mona Cholet ou Claire Marin franchisse la frontière dans l’autre sens.
Qu’est-ce qu’il aurait fallu en faire ? Qu’est-ce qui m’aurait convenu ? Fouiller des questions simples, mais radicales : « les femmes », ce sont des corps de diverses tailles, poids, métabolisme, physiologie, selon leur âge, leur contexte socioculturel, etc. La question ne peut pas se réduire à un monde matériel adapté à une femme standard, concomitamment à ce qui est prévu pour un homme standard. Comment faire autrement qu’avec des moyennes ?
Est-ce que le problème n’est pas fondamentalement lié à l’industrialisation, c’est-à-dire la standardisation de la production ? En faisant du cousu main, du fait maison, du do it yourself, on pourrait peut-être (à quelles conditions ?) être davantage responsable de ce qu’on fabrique. Ce serait aussi un sujet à porter entre producteurs et consommateurs autour d’un produit ou d’un service : que faites-vous, les uns et les autres, pour prendre en compte la dimension genrée dans votre activité professionnelle, à commencer par des considérations pragmatiques d’objets matériels ?
Pas de définition conceptuelle ou de modèle argumenté, pas non plus de recherche de démarches alternatives. La distinction stricte entre les femmes d’une part, les hommes d’autre part, est paralysante, s’il s’agit d’y répondre en restant dans les généralités. La question est nécessairement à traiter à plus petite échelle, et diverses échelles. Au niveau individuel, ce ce que chacun peut, pourrait faire, fait déjà, pour adapter le monde matériel à ses caractéristiques et besoins, et pas l’inverse. Au niveau des interactions directes, entre proches, définir des aménagements qui conviennent à tous : des chaises de diverses tailles plus tôt que prévu pour un corps moyen. Par contre, plus on monte dans l’échelle des relations, plus la question du standard est difficile. Et sans doute y a-t-il un seuil où il y a trop de monde à satisfaire pour que ça ne soit démesurément compliqué. D’où l’intérêt de ne pas grimper trop vite dans l’échelle sociale, et même d’abord de grimper le moins possible.
Jean Barois
Roger Martin du Gard, 1913. Gallimard La Pléiade, 1955.
Littérature philosophique, ou philosophie littéraire : dans les deux options, une écriture de grande qualité. Sans doute que le format Pléiade y contribue. Il donne un certain cachet au texte, on le lit avec d’emblée une certaine considération respectueuse.
Roman théâtral, ou théâtre romancé : beaucoup de dialogues, de tirades même, pour exposer des conceptions de la vie, du destin, de la science ; des croquis préalables de personnages qui interviennent sur scène ; des interruptions dans le dialogue sur un mode didascalies ; et puis des courriers de correspondance entre les protagonistes.
Beaucoup d’emphase, d’intensité posée par les personnages : la vie est effectivement dramatique, en l’occurrence portée par des engagements idéologiques, qui déterminent les choix d’existence. Martin du Gard semble opiner du côté des conceptions positivistes. La (re) conversion tardive de Barois, malade, est motivée par l’effroi du crépuscule final bien plus que par un raisonnement muri. Comme s’il avait trop investi dans l’argumentation rationaliste au cours de sa vie pour n’avoir plus que la ressource de son intuition à l’issue de son parcours. C’est bien tout ce que montre l’ensemble du récit : les hommes agissent d’abord par passion, s’engagent et s’exposent, puis justifient après-coup leurs actes à grand renfort de certitudes toujours définitives.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Barois
https://www.cairn.info/revue-cliopsy-2014-2-page-91.htm
Chair paysage
Petites distractions philosophiques – Comment apprendre à penser sans jamais s’ennuyer
Robert Zimmer. Vuibert, 2017.
Un chapitre intéressant, bien construit, avec des repères utiles : « Logique, langage, argumentation ». Bonne introduction et synthèse sur la logique des propositions (combinaison de vrai et de faux, calcul) et logique des prédicats (recours à des quantificateurs ; condition nécessaire et suffisante ; proposition contraire et contradictoire, etc.)
Le reste est effectivement d’ambitions modestes, « petite distraction », mais au risque de s’ennuyer, parce que l’ennui vient aussi parfois du manque de surprise, de défis, de stimulation.
Chapitre 7. Conscience de soi, chair et âme, individu
La vulgarisation consiste souvent à enfiler les perles, les énoncés de sens commun, à grands coups de généralités sur « l’homme » déconnecté de l’espace-temps. Abus de langage par excellence ? Pas beaucoup mieux pour « la philosophie », « les religions ». Une heuristique personnelle : quel est le domaine de validité d’un concept, d’une proposition ? C’est-à-dire à quelle échelle de temps est-il pertinent ?
Ou alors, prendre tout cela comme un condensé de la pensée commune sur la philosophie.
Si l’esprit/l’âme/la conscience est distinct du corps, comment expliquer la fatigue, la boulimie, la déraison ? Qu’est-ce qui dysfonctionne alors ?
https://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311101782-petites-distractions-philosophiques
https://www.philomag.com/livres/petites-distractions-philosophiques
Les souffrances du jeune Werther
Goethe, 1774.
Seulement deux-cents ans, et un monde si différent. Des vies pas moins (davantage ?) intenses, même sans moteurs ni médias.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Souffrances_du_jeune_Werther