L’art de conter nos expériences collectives – Faire récit à l’heure du storytelling

Un livre qui en promet plus qu’il n’en donne… C’est pourtant issu d’une thèse. Mais on a surtout l’appareil et méthodologique et l’analyse des matériaux (de grands tableaux illisibles assez loin de « l’art de conter »…), et pas beaucoup de consistance théorique. Des références (principalement Yves Citton, Walter Benjamin) qui invitent surtout à aller voir à la source.

https://thom4.net/reading-notes/conter-experiences-collectives/

Les patients au cœur – La vie dans un service de soins palliatifs

Un choix d’écriture fort : des textes courts, de deux à trois pages. Ça va trop vite… Pas le temps de faire connaissance, d’être touché par la situation. Des croquis, des esquisses, et la composition d’ensemble est finalement trop fragmentaire.

Belle écriture de la part de l’auteure principale, mais nettement moins convaincante quand celle-ci laisse la plume à ses collègues.

Chaque texte s’appuie sur un outil utilisé dans le service, pour aider à l’accompagnement : un schéma des relations familiales de la personne, pour montrer la singularité de chaque situation, l’inscription d’une fin de vie dans un environnement social de proximité plutôt que dans une pathologie. On meurt ou on survit aussi par son entourage…

https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/patients-coeur-portraits-fin-vie-2019-04-09-1201014425

Défense de cracher ! – Pollution, environnement et santé à la Belle Époque

Pierre Darmon, Le Pommier, 2020

Panorama saisissant, effrayant même, de l’atmosphère parisienne (dans les grandes villes industrielles) au fil du développement industriel du XIXe siècle : bien avant la voiture, les poussières de charbon et les rejets en tout genre des industries chimiques empuantissent l’air ambiant, noircissent les façades et la végétation, et chacun d’expectorer et de cracher à tout-va les poussières qu’il respire. Dieu que ça pue. Plus on produit, plus on consomme, plus on rejette de déchets en tout genre, de tout volume.

De telles descriptions complètent les images qu’on peut avoir par la peinture ou le cinéma : il fait sentir l’air moite que le quidam respire, les effluves, les remugles, les odeurs, les poussières. Il aide à imaginer sensoriellement l’intérieur d’une église, d’un théâtre, d’un grand magasin avant l’ère de la toilette quotidienne, des lave-linges, des VMC, des aspirateurs.

Le livre prend les choses dans le bon ordre : c’est parce que cette explosion de la pollution constitue un terreau extraordinaire pour les bactéries et microbes en tout genre que la médecine et l’hygiénisme en générale prospèrent à leur tour. Par contre, il reste très factuel, et la thèse principale (ouf, la médecine fait des progrès) seulement implicite. Il y aurait de quoi interroger les évolutions de fond, et réfléchir à une médecine plus écologique, au-delà des traitements physiologiques.

https://www.editions-lepommier.fr/defense-de-cracher

La vie intense – Une obsession moderne

Une plume facile, indéniablement. Je l’imagine brillant parleur. Il est adroit pour développer des métaphores, brosser en quelques pages des phénomènes sociaux au long cours : quand la pensée de l’antiquité explore l’image du fleuve, c’est le courant électrique qui fascine les penseurs des « Lumières » (page 38). Et les pages relevant de l’ontologie (« ça s’arbre », pour éviter la substantivation) sont les plus intéressantes, moins les considérations de philosophie morale.

La focalisation sur un mot, trituré dans tous les sens, est au final peu convaincante. On pourrait imaginer aussi de longs développements sur une vie moderne insipide, uniformisée, standardisée, rabougrie.

https://www.autrement.com/la-vie-intense/9782746747623

https://journals.openedition.org/critiquedart/23522

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/tristan-garcia-la-vie-intense-une-obsession-moderne-9943045

http://coincescheznous.unblog.fr/2020/06/16/la-vie-intense-une-obsession-moderne-de-tristan-garcia/

La décision

On a envie d’insister, parce la 4e de couv est bien écrite, parce qu’il y a du potentiel dans l’histoire, dans l’intrigue, parce que la confrontation entre les positions sociales radicalement opposées de la juge et des jeunes rejetés ou recherchant les marges de leur société est un bon sujet. Mais voilà, l’écriture est très quelconque, le récit centré sur les tourments sentimentaux de la juge, au détriment même de la crédibilité.

https://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio/La-decision

https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/01/12/la-decision-karine-tuil-dans-les-coulisses-de-la-justice-antiterroriste_6109237_3260.html

Négocier avec le diable

Décevant, après un démarrage pourtant tonitruant : les dilemmes au ras du professionnel, quand l’humanitaire doit passer par les conditions du tortionnaire pour sauver des vies, mais pas toutes, mais quelques-unes tout de même. Mieux que rien ? Pire que tout ?

Un critère, mais déjà plus macro, pour distinguer compromis et compromission : quand le résultat de la négociation compromet les négociations suivantes, en particulier en déconsidérant celui qui a mandat d’intermédiaire.

Le reste du livre est beaucoup plus général, et pas très bien raconté (par exemple la prise de position de la Croix Rouge pendant la 2GM).

https://www.editionstextuel.com/livre/negocier_avec_le_diable

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/05/negocier-avec-le-diable-preferer-le-mauvais-au-pire_6144445_3232.html

La sociologie du risque

Le gout du risque (ie la recherche de sensations fortes), contrecoup de la « sécurité sociale » ? Nous voilà tellement en sécurité que certains compensent par des activités dédiées au risque. Nous voilà tellement transportés qu’on pratique assidument le jogging ou la randonnée. Nous voilà tellement nourris qu’on en fait des régimes et de jeûnes. Nous voilà tellement soignés qu’on en tombe malade.

« Qui ne risque rien n’a rien. »

« Seul le risque librement choisi est valeur. » (page 12).

« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » (Corneille)

« La peur est moins liée à l’objectivation du risque (ie au danger) qu’aux imaginaires induits. »

Le risque :

  • impondérable, hors de toute maitrise : un événement « naturel », une catastrophe sociale, environnementale
  • effet d’une négligence, technique ou organisationnelle
  • produit d’un choix, selon un calcul assurantiel

On est enclin à surévaluer ses capacités à faire face, et à dénier les risques (page 47).

Comme toujours chez cet auteur, la construction est trop hâtive : le flot de considérations est entrainant, mais gagnerait à être canalisé.

https://www.cairn.info/sociologie-du-risque–9782130581079.htm

https://www.puf.com/content/Sociologie_du_risque

Manifeste anarcha-féministe

Des limites de la déclamation : celle qui porte la parole l’accapare. Comment est déterminé le format d’un « manifeste » ? Pourquoi pas plus long, plus court ? Comment savoir si le clou sur lequel on tape est enfoncé ? Tant qu’à dire…

https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/manifeste-anarcha-f%C3%A9ministe-9782228932288