Flux. Comment la pensée logistique gouverne le monde

Mathieu Quet, Zones, 2022.

Chercher la clé sous le réverbère ? Dans un monde bascule, à la fois pétri de certitude, immensément arrogant, il est sans doute compréhensible, tentant de réduire la complexité à une thématique qui serait matrice de tout le reste, d’entrer dans une explication du monde par un facteur décisif. Marx a lancé cette approche : l’histoire de l’humanité se ramène fondamentalement à la lutte des classes. Pour d’autres, ce sera la technique, le confort, le management, ou, ici, la logistique.

Comme souvent (le nucléaire, l’État, le management), les pratiques militaires (les deux guerres mondiales) sont des périodes décisives de mise en place et de généralisation de pratiques de contrôle du travail.

La conclusion décevante, en tout cas modeste : des actes plus ou moins souterrains de résistance aux flux, à la circulation niant l’espace. L’itinéraire plutôt que les déplacements, pour les humains comme pour les choses.

https://www.editionsladecouverte.fr/flux-9782355221774

https://journals.openedition.org/lectures/55475

La société ingouvernable – Une généalogie du libéralisme autoritaire

Grégoire Chamayou. La Fabrique, 2018

Page 165. La responsabilité sociale des entreprises est le pendant de l’irresponsabilité des instances publiques : c’est en tout cas à comprendre dans les rivalités (relatives) entre bureaucraties publiques et privées. Le « droit doux » (soft law), c’est-à-dire non contraignant, incitatif, va de pair avec des pratiques managériales dures : la sous-règlementation des emplois se paie cher pour les salariés.

Page 167 : « On n’accuse pas un castor d’interférer avec la nature quand il débite un arbre pour construire un barrage. »

Conclusion : idée essentielle, mais finalement ouverture à explorer plutôt que bilan de l’ouvrage : la réaction néolibérale n’est pas tant dirigée contre l’État-providence que contre la faillite de celui-ci à contrôler les mouvements sociaux des années 60 et 70. Les « libéraux » ne réclament pas moins d’État, mais s’occupe d’un État plus performant dans le contrôle des populations et la défense des intérêts des multinationales.

https://journals.openedition.org/lectures/34108

Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité

David Graeber et David Wengrow, Les Liens qui Libèrent, 2021.

Le titre original est « The Dawn of everything ». Pas beaucoup plus joli, mais au moins une expression close, sans ridicules points de suspension. Peut-être une façon d’évoquer l’écriture assez relâchée, familière (« Les conclusions de Pinker sont totalement à côté de la plaque », page 35 ; « Pour le dire crument, on sent bien que vivre parmi des indigènes est beaucoup moins barbant que de vivre en Occident. » page 38).

Page 39. Épistémologie des sciences sociales : au risque de la simplification et de la réduction à un facteur décisif. Marx, Freud ou Lévi-Strauss éclairent la réalité d’un angle nouveau, mais une fois qu’on a vu, on s’habitue vite à voir, et on a besoin de revenir à une vue synoptique.

Tendance naturelle : croire qu’un penseur ne fait que découvrir ce qui est pour nous devenu une évidence, au risque de ne pas mesurer à quel point ce n’en était pas une à son époque, et que ça aurait pu ne pas en devenir une, que d’autres « évidences » auraient pu s’imposer. Est-ce que Darwin « découvre » l’évolution, Boucher de Perthes la Préhistoire, Gordon Childe le néolithique ?

Page 58. L’interlocution avec l’autre [« l’Indien »] oblige à prendre en compte son point de vue, son regard sur le monde, son jeu de langage, et alors sa forme de vie.

Page 62. Si même la liberté individuelle et le confort matériel ne sont pas l’apanage des sociétés contemporaines, que reste-t-il ?

Page 81. De la complexité des interactions entre sociétés : entre emprunts intéressés, influences de fait, « schismogenèse » (Bateson), c’est-à-dire tendance à s’opposer.

Page 115. Une limite forte de leur argumentation : les humains décideraient « en toute conscience » de ne pas instituer de hiérarchie sociale et politique, malgré « une tendance innée à s’engager dans des schémas comportementaux domination/soumission probablement héritée de nos ancêtres simiens ».

Page 125. La conscience serait essentiellement dialogique, et pas un attribut individuel.

Page 127. Même les enfants ont une vive imagination sociale, beaucoup de créativité sociale dans leur jeu : alors pourquoi pas les humains préhistoriques ?

Page 148. La variété des contextes de vie sociale et politique aiguise la conscience politique ordinaire : les paléolithiques sont plus alertes et imaginatifs que nos « démocrates » ! Vrai jusqu’au statut des femmes : on a du mal à imaginer une société au patriarcat saisonnier.

À débattre : la conscience politique (philosophique) ne serait pas cumulative d’une génération à l’autre, contrairement aux savoirs savants. Le progrès en philosophie (en art) n’a pas de sens. Mais on accumule une diversité de pratiques artistiques, là où l’expérimentation sociale apparait figée.

Étonnantes crispations identitaires dans une société par ailleurs très mobile. On peut se déplacer géographiquement, mais très peu socialement. Nous sommes coincés entre des murs, à l’exemple des catégories genrées.

Page 195. La « cueillette » qui confine à l’agriculture, la chasse à la pratique de l’élevage, quand les relations aux territoires sont tellement intenses qu’elles modifient l’environnement, l’adapte de fait aux populations qui en vivent. Cueillir n’est pas prélever ce que fournit passivement la nature, c’est aussi agir, influencer sur ce qui est disponible. Et ces activités productives aboutissent aussi à une organisation économique et sociale pour s’approprier (trouver un autre mot ?) le territoire.

Page 301. Décrire les activités humaines à l’égard de l’environnement avec les concepts contemporains est une chose ; leur attribuer la conscience de le faire tel que décrit en est une autre.

Page 303. Parler de l’agriculture et de domestication incite à rattacher ces nouvelles pratiques aux nôtres en les arrachant à la continuité des pratiques de cueillette.

Page 306. Le point sur « la révolution néolithique » qui n’en est pas une.

Ça manque de conceptualisation philosophique : l’humanité, le groupe, le langage, l’activité, la technique.

De la compréhension archéologique : du minuscule (traces de sang, pollen) au contexte régional historique. Enquête multiscalaire, à partir d’indices, de concepts, de comparaisons.

Au néolithique, l’altérité culturelle et géographique est la règle : des mondes sociaux très différents cohabitent. Aujourd’hui, il faut fouiller dans le passé pour trouver l’équivalent (uniformité culturelle : teeshirt, soda, football, téléphone, etc.)

L’argument des humains effectuant des choix conscients n’est pas compatible avec la temporalité du changement qui en fait échappe à ce qui est perceptible par des consciences individuelles.

Le déterminisme prend les choses à l’envers : non pas un environnement qui commande une organisation sociale, mais une évolution sociale qui se coltine les contraintes environnementales. On essaie tout ce qui est possible, individuellement et collectivement. On fait de son mieux, et on voit.

Être conscient collectivement du sort commun est au moins un horizon, ce vers quoi il s’agit d’aller.

Page 324. La diffusion de la céréaliculture se heurte à l’acclimatation à des terroirs différents : pas seulement une affaire de graines (sols, parasites, etc.). À comparer avec les cultures dites invasives, lors de la colonisation en Afrique ou en Amérique.

Page 330. Écologie de la liberté : pratiquer l’agriculture en dilettante.

Page 390. Les traces du pouvoir royal sont plus abondantes et visibles que celle d’autogouvernance démocratique.

Les indicateurs du pouvoir de l’État : la violence, jusqu’au meurtre. Quels recours ? Qu’est ce qui est légitime, pratiqué effectivement en matière de violences physiques, voire psychologique (dont le viol) ?

Le problème de « l’État », c’est le substantif ! Employer un même mot pour qualifier des phénomènes sociaux très différents, au risque de se dire : « il y en a toujours eu, il y en aura toujours ! » Pas tant éradiquer l’État que répondre d’une façon autre aux questions de ces deux auteurs : quel usage de la violence, quel contrôle de l’information, quelle symbolique commune ?

Page 542 : de l’impersonnalisation de la bureaucratie (du comptage en général)

Page 623. Des racines iroquoises de la philosophie des lumières (et donc de la nôtre). Comme si on lisait Braudel sans avoir aucun repère sur l’histoire de l’Europe. L’immense continent des civilisations sans écrit.

Leur définition de la liberté : celle de partir, de désobéir, de créer ou transformer ses relations sociales. Je dirais plutôt, d’un coup : agir sur ses relations sociales. Éventuellement les nier, les refuser, les contester, mais comme on conteste des certitudes, sans prétendre ne pas en avoir ; agir sur son environnement, sur ses relations à la matière, aux êtres vivants (même au virus). La liberté a bien à voir avec l’activité : pouvoir la déployer, l’ajuster aux autres, et ça passe par le langage, la possibilité d’en débattre, de la concevoir.

La bureaucratie comme le commerce : l’impersonnalisation de l’acte (produit ou processus) détaché de la personne, administré, marchandisé.

Le problème n’est pas l’État, l’argent, la loi, mais leur permanence, la transformation de la modalité en finalité. Contrairement à une idée reçue ordinaire, le progrès enferme, par effet cumulatif. Une autre approche du progrès, c’est la bifurcation, faire autrement. Et c’est alors affaire de fantaisie, de marginalité.

L’histoire des États, c’est la surenchère du contrôle des territoires, des armées, des dispositifs juridiques. L’histoire de la technologie : une voie qu’on explore dans le toujours plus. Donc plutôt que de transition ou d’effondrement, parler de bifurcation.

Idem pour la division du travail : bien sûr indispensable, c’est dès qu’elle se fige, dès que la spécialisation devient rigide, définitive, assignation à résidence qu’il y a problème.

L’humanité doit apprendre la souplesse, l’adaptation aux circonstances par la conscience : l’épidémie en est la forte démonstration.

Les deux auteurs en font trop (sans expliciter beaucoup d’ailleurs) dans l’idée que les humains auraient, parfois, choisi consciemment de ne pas recourir à l’agriculture, ou bien d’éviter la domination étatique. Mais c’est justement ce sur quoi il y a une marge de progrès, un horizon à explorer. Être de plus en plus conscient de ce qui nous arrive, assumer de plus en plus des choix collectifs, autant que possible sans attendre la panne majeure.

Ce qui manque encore dans le champ de compréhension de l’histoire : la prise en considération de la temporalité des individus. Les deux auteurs le font parfois, par exemple pour la description des pratiques de cueillette, mais sans aller jusqu’à la vie ordinaire quotidienne. Pourrait-on imaginer la socialité usuelle dans ces mondes ?

Catastrophe industrielle : l’écrasement de la diversité des langues, des cultures, l’uniformisation des modes de vie, des divertissements. Il faut au contraire promouvoir la diversité, l’hétérogénéité, les singularités (et non les identités collectives).

Comment se dérober massivement à l’État ? (À celui d’aujourd’hui, l’administration hypertrophiée, les procédures, le management bureaucratique).

Bifurquer en se dérobant à la marchandisation et à la bureaucratisation, en affirmant la singularité de son activité.

http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Au_commencement_%C3%A9tait-672-1-1-0-1.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Au_commencement_%C3%A9tait%E2%80%A6

https://journals.openedition.org/anabases/15084

L’art de ne pas dire n’importe quoi. Ce que le bon sens doit aux mathématiques

Jordan Ellenberg. Éditions Cassini, 2017.

Page 294. Les perspectives : le plan euclidien et le plan projectif.

Deux rails sont

  • parallèles
  • vus par l’œil humain comme deux droites sécantes au point de fuite
  • en réalité posés sur un sol qui n’est jamais plan, donc jamais « droit »
  • à la surface une sphère (la Terre).

Page 91. La loi des grands nombres : la logique n’est pas « il y a déjà eu dix lancers aboutissant à pile, donc le onzième sera face », mais « beaucoup de lancers neutralisent les variations singulières ». « Voilà comment fonctionne la loi des grands nombres : non en rééquilibrant ce qui s’est déjà passé, mais en diluant ce qui s’est déjà passé dans de nouvelles données, jusqu’à ce que le passé soit devenu quantité si négligeable qu’on peut l’oublier sans regret. »

Quelle analogie avec « suivre une règle » ? Une règle comme une façon d’agir ou l’emploi d’un mot ne serait pas le respect d’un mode d’emploi ou d’une définition préalable, mais le constat à postériori qu’à force d’usages, la règle est ainsi et pas autrement. On sait que le lancer de la pièce aboutit à pile ou face non pas par connaissance de la mécanique de lancer des probabilités, mais parce qu’on a joué au jeu (et qu’on en parle ensuite).

Page 118. Les évènements improbables sont très probables (gagner à la loterie). Il est très improbable que je gagne, il est très probable que quelqu’un gagne.

Page 399. Entre corrélation et causalité : le cancer du poumon incite à fumer.

Page 211 : formule de Bayes : à postériori (quelle probabilité une fois de premiers tirages obtenus ?)

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Art_de_ne_pas_dire_n%27importe_quoi

https://www.afis.org/L-art-de-ne-pas-dire-n-importe-quoi

Dialogue sur la pensée, l’esprit, le corps et la conscience

Peter Hacker. Agone, 2021.

On passe peut-être trop de temps à l’échelle individuelle : qu’est ce qui pense, qu’est-ce qui parle, comment relier pensée, corps, esprit, langage en considérant l’être parlant ? Le destinataire est parfois pris en compte, mais il faut attendre la page 175 et une discussion sur les androïdes pour aborder vraiment l’être humain, sa pensée et son langage dans sa socialité, pour prendre au sérieux le langage prenant sens dans son usage, donc dans un collectif, au bas mot, dans une société (en tout cas dans une communauté langagière).

https://agone.org/livres/huitdialoguessurlespritlaconscienceetlapensee

La langue est-elle fasciste ?

Hélène Merlin-Kajman, Seuil, 2003.

L’auteure a-t-elle choisi le titre ? Il n’est pas seulement racoleur, il oriente le propos : une fausse question, puisqu’on se doute bien que l’auteure n’y répondra pas par la positive ; une curieuse promotion du point de vue de l’adversaire, puisqu’on prend son affirmation au sérieux, on annonce la nécessité d’y consacrer un livre ; la perspective d’un règlement de compte, on subodore l’envie de clore définitivement le bec à ceux d’en face. Ça va dézinguer.

Et les grosses ficelles argumentatives ne tardent pas : caricaturer le propos de l’adversaire désigné pour en fustiger ensuite les outrances. Comment ose-t-il ? D’autant moins acceptable, osons le dire, de la part d’érudits de la langue : rester collé à des mots brandis en étendard provocateur, s’amuser de chiffon rouge comme si l’intellectuel d’en face n’était qu’un taureau.

Encore plus ridicule, pour prendre un mot de l’époque : l’auteure remonte aux académiciens du XVIIe siècle, pour montrer leur souci vertueux de promouvoir une langue vectrice d’une culture commune, d’intercompréhension. Assurant pas des fascistes, certes… Même qui s’ignorent. Mais qu’il est naïf de faire comme si les usages de la langue dans une société tenaient aux intentions d’académiciens, si bonnes ou au contraire si perverses soient-elles.

Pour finir, de quoi mettre tout le monde (ou personne) d’accord : « le français ne restera une langue vivante qu’en se nourrissant en permanence de la tension entre la norme et son refus. » Tout ça pour ça… Il y aura de quoi faire un autre livre à décortiquer les métaphores de cette forte affirmation.

https://journals.openedition.org/labyrinthe/484

Comment pensent les animaux ?

Loïc Bollache. HumenSciences, 2020

Étonnante influence de la pensée cartésienne : je réalise en tout cas quel point je trimbale par devers moi cette idée que « les animaux n’ont pas de langage et c’est la nature qui agit en eux selon la disposition de leurs organes, un stimulus entraine une réponse comportementale, leur faculté d’adaptation est due à leur instinct qui n’est pas de l’intelligence ». J’ai pourtant bien en tête l’idée d’une continuité du vivant, mais le constat de la frontière qu’établit le langage articulé rend difficile l’appréhension d’une intelligence, d’une forme d’autonomie, l’initiative intellectuelle de l’animal (ou même des animaux, collectivement). Parlera-t-on d’éducation, d’apprentissage, de compétences pour des animaux ? Qu’en est-il des variations interindividuelles ? Bien sûr, la question n’est pas, binaire, être ou ne pas être (intelligent) ; même pas selon un degré quantitatif ou même qualitatif (plus ou moins intelligent, intelligent à sa façon), mais en interrogeant l’usage que l’on fait du mot (par exemple un livre sur « l’intelligence » animale) ; pas non plus une question de définition (ce qu’on désigne par intelligence).

Darwin : « si considérable qu’elle soit, la différence entre l’esprit de l’homme et celui des animaux les plus élevés n’est certainement qu’une différence de degré et non d’espèces. » Ce qui revient à substantialiser (et donc substantiver) l’intelligence.

Que fait-on lorsque l’on apprend la langue des signes un chimpanzé ? Qu’est-ce que ça dit de la conception de la langue, de la langue des signes, de l’apprentissage, de la représentation du chimpanzé comme apprenant ?

Chapitre 1. Se souvenir des belles choses. La mémoire comme base de l’intelligence

Les saumons capables de reconnaitre la rivière de leur enfance dix ans plus tard ; certains éléphants leur cornac ; les dauphins le sifflement de leurs congénères après vingt ans de séparation.

Distinction mémoire sémantique/épisodique (page 42) : autant de moyens de maitriser le temps ou l’espace (des itinéraires, des lieux).

Page 56. Un peu léger en essayant de définir le langage, réduit à de la « communication interindividuelle ». Le titre du chapitre dit pourtant l’inverse : « les animaux sont bavards ». Le bavardage n’est pourtant pas de la communication utilitaire.

La complexité stupéfiante, à y regarder d’un peu près, de la communication des abeilles et de son traitement : le choix d’un nouveau lieu pour un essaim donne lieu à des échanges entre abeilles éclaireuses sur les caractéristiques des lieux repérés, jusqu’à convenir d’un choix parmi les possibles. La sélection se fait selon un processus de quorum, et donc une forme de maitrise du nombre. Les éthologues n’hésitent pas à employer le mot de démocratie.

Singe, baleines, dauphins : l’émission de sons structurés est une pratique importante et indispensable à la vie ordinaire (par la maitrise de l’espace et du temps) de nombreuses espèces.

Chapitre 3. À la rencontre de cultures animales

Trois modalités pour expliquer l’origine de comportements :

  • L’inné, le physiologique (respirer)
  • L’apprentissage par expérience (marché)
  • L’apprentissage par imitation (parler)

Beaucoup d’exemples éloquents (les mésanges et les bouteilles de lait, des macaques et le lavage de patates douces, etc.) : au risque de l’anthropomorphisme ? Ou encore de la tautologie : comment une espèce pourrait-elle vivre sans invention et apprentissage ?

Un point majeur : les différenciations interindividuelles dans les capacités d’innovation et d’imitation.

Chapitre 4. La vie sociale des animaux

En fait il faudrait renverser la charge de la preuve : non pas chercher à démontrer que de vulgaires animaux privés du langage, de main, de cortex cérébral sont capables d’intelligence, mais partir de l’idée que des espèces adaptées à leur milieu, capables de se nourrir et de se reproduire dans la complexité du monde, disposent de facultés que nous désignons par intelligence, compétence, communication, mémoire, etc., et ce qui serait le plus intéressant, plutôt que des expériences de laboratoire, serait alors de discuter coopération avec les animaux, activités communes. Puisque nous partageons différentes formes d’intelligence, que faire ensemble ?

RMR, 591.5

https://www.humensciences.com/livre/Comment-pensent-les-animaux/55

La passion de l’incertitude

Dorian Astor, Éditions de l’Observatoire, 2020.

Son entrée est surtout morale, même au sens fort : de l’ordre de la conduite de la vie personnelle. Comment se débrouiller, dans sa posture, dans ses relations aux autres, au monde, du besoin de certitudes, ne serait-ce que savoir où on est, où on en est ? Que faire d’un monde pétri d’incertitudes parce que c’est de l’incertain que surgit la vie, de la diversité des possibles, de la subversion des « faits établis » ?

Et donc pas, on peut (page 104) de considérations épistémologiques. Dommage ? Significatif de la philosophie contemporaine ?

https://www.editions-observatoire.com/content/La_passion_de_lincertitude

https://www.philomag.com/articles/la-passion-de-lincertitude-de-dorian-astor

https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/10/02/la-passion-de-l-incertitude-de-dorian-astor-la-chronique-philosophie-de-roger-pol-droit_6054473_3260.html

Les en-dehors. Anarchistes individualistes et illégalistes à la Belle Époque

Anne Steiner. L’échappée, 2020.

Trois mots-clés :

anarchistes, parce qu’à la recherche d’une subversion du mode de vie étatique, sinon de l’État lui-même : comment s’y dérober, s’y opposer ?

Individualistes : terme curieux pour des personnes décrites comme aspirant à des vies communautaires, passant beaucoup de temps en réunion et polémiques, en conférences et manifestations, en publications en tout genre. Individualistes dans le sens où ils sont soucieux de mettre en pratique pour eux-mêmes leurs convictions, de mener des existences en cohérence avec leur conception du monde : de la sobriété au végétarisme, en passant par l’amour libre.

Illégalistes : pas tant illégaux que contre la loi, par principe, contre la propriété, et alors faux-monnayeurs, voleurs pour certains. Mais les polémiques sont vives, et la dérive de la bande à Bono une démarche extrême.

Tous se construisent en opposition : à une famille nocive, étouffante, à la Vallès ; à une école ne tenant pas ses promesses ou son potentiel émancipateur ; à un milieu de travail anthropophage ; à la misère humaine du milieu ouvrier (alcoolisme, servitude volontaire). Mais de façon largement positive : avec un appétit de connaissances, de culture, une envie de vivre autrement, une énergie formidable, fondamentalement optimiste (dans une époque pas si « belle », très dure aux insoumis, aux manifestants, aux jeunes envoyés dans les « bat’ d’Af’ ».

Où sont les rebelles d’aujourd’hui ? Pour quelle rébellion ? Où sont les anarchistes ?

https://www.lechappee.org/collections/dans-le-feu-de-l-action/les-en-dehors

L’exploration du monde – Une autre histoire des Grandes Découvertes

Sous la direction de Romain Bertrand. Seuil, 2019.

645. Xuanzang sur les traces de Bouddha

Un moine bouddhiste chinois effectuant un périple incroyable jusqu’en Asie centrale et en Inde, controverse avec des confrères érudits de son acabit partout où il passe.

921 – 922. Ibn Faldan chez les Bulgares de la Volga

Un représentant du calife de Bagdad chez les sauvages (« barbares ») Bulgares, qui veulent bien discuter religion, mais qui sont très déçus que l’argent promis ne soit pas au rendez-vous.

960 – 962. Le tour d’Europe du marchand juif catalan Ibrahim ibn Yaqub

Étonnant de parvenir à circuler ainsi d’un territoire à l’autre, tout en se faisant toujours reconnaitre, jusqu’à avoir accès à l’empereur.

1154. Al-Idrisi remet sa géographie au roi de Sicile

Le roi normand, Roger, est un descendant des Vikings, mais nous avons sans doute davantage conscience de cette ascendance que lui-même.

Comment gouverner un royaume musulman, au grec aux musulmans, quand on est roi normand ? Beaucoup à dire aussi sur la notion de « carte géographique » : pourquoi, comment représenter les pays, le territoire ? Pourquoi seulement des informations « géographiques » ? Pourquoi avec une échelle métrique ?

1173. L’interminable voyage de Benjamin, rabbin de Tudèle

Tellement long et complet qu’il en est improbable pour nous, mais manifestement crédible pour l’époque : c’est donc que le monde est accessible au voyageur.

1262. Des mamelouks dans la Horde D’Or

D’un bout à l’autre des terres de l’Islam.

1287. Philippe le Bel accueille le moine ouïgour Rabban Bar Sauna

1291. Que sont les frères Vivaldi devenus ?

Ils ont franchi, sans retour, les colonnes d’Hercule.

1324. Le sultan du Mali Musa visite les pyramides.

1415. Les Portugais conquièrent Ceuta.

Qu’il est difficile de résister aux lectures téléologiques des évènements.

https://www.inshs.cnrs.fr/fr/lexploration-du-monde-une-autre-histoire-des-grandes-decouvertes

https://www.inshs.cnrs.fr/fr/lexploration-du-monde-une-autre-histoire-des-grandes-decouvertes