Il faut qu’on parle de Kevin

Lionel Shriver, 2003. Belfond, 2006.

C’est bien écrit, et le choix radical du format épistolaire est remarquablement maitrisé. La narratrice s’adresse à quelqu’un qui connait très bien tous les évènements dont elle parle, puisqu’ils ont vécu en couple, mais le lecteur invité dans cette correspondance s’y retrouve, se familiarise rapidement avec les personnages, découvre leur vie, leurs relations sans jamais l’impression d’être un invité extérieur. Pas de lourdeurs, rien d’artificiel, et c’est touchant.

Ce que j’ai trouvé moins réussi : les personnages trop monocolores, qui n’évoluent pas au fil du temps, alors que les années passent. C’est vrai pour Kevin, damné dès la naissance, décidément irrécupérable, même en allant observer finement toute son éducation, son jeune parcours dans le monde. Mais c’est vrai pour ses parents, au risque d’en être un peu caricature d’eux-mêmes. J’ai été touché par la description des ambigüités du couple, et de la mère en particulier, dans le désir d’enfant, de l’épreuve de la grossesse et de la naissance, quand le désir se confronte durement à l’épreuve de la réalité. Mais le sacerdoce ne faisait que commencer… Au risque de la lassitude du lecteur.

La chute tout de même spectaculaire :

  • Sur le fond : on découvre que le père de Kevin a lui aussi été victime de son fils dès le début de ce terrible « JEUDI », et que la correspondance était donc adressée à un défunt (d’où l’absence de retour !).
  • Sur la forme : on découvre au dernier moment une information majeure, nécessairement présente en permanence à l’esprit de la rédactrice des courriers, mais ignorée du lecteur qui pensait tout comprendre ou à peu près (ben oui, le mari a fini par partir fâché pour de bon).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Il_faut_qu%27on_parle_de_Kevin

https://www.alleedescuriosites.com/il-faut-qu-on-parle-de-kevin-lionel-shriver/

https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/08/31/plongee-aux-sources-du-mal_808069_3260.html

Le printemps des cathédrales

Jean Diwo, 2013

https://editions.flammarion.com/le-printemps-des-cathedrales/9782080682703

On n’y croit pas une minute… Les dialogues sont complètement artificiels, didactiques au pire sens du terme. On enchaine les scènes contemporaines en décor de carton pâte, avec des personnages en costume de foire. Ce n’est pas un roman, pas non plus un manuel d’histoire, et même des enfants qui auraient tout à découvrir mérite mieux que ça.

Les détectives sauvages

Roberto Bolaño, 1998. Christian Bourgois, 2006.

Je suis resté à la porte, à regarder ces jeunes empreints de poésie se prendre très au sérieux tout en menant une vie futile et inconséquente. Triste jeunesse ! Et l’intérêt annoncé de l’exercice littéraire n’a pas compensé ce sentiment de vacuité.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/03/09/roberto-bolano-au-dessus-du-volcan_748937_3260.html

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-culture-change-le-monde/les-detectives-sauvages-de-roberto-bolano-roman-qui-change-le-monde-8656261

Le cartographe des absences

Mia Couto, Éditions Métailié, 2022.

Peut-être trop difficile pour moi ? Trop sombre, sur des histoires de massacre, de répression, d’oppression policière ? Ou au moins à lire attentivement, pas comme un livre de chevet. À reprendre ?

Le Cartographe des absences

https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/12/04/le-reve-mozambicain-de-mia-couto_6152904_3260.html

Babel-ville

Joseph Bialot, Gallimard Folio policier, 2002.

Est-ce que c’est un polar plutôt moyen, ou bien moi qui me lasse des polars ? C’est plutôt bien écrit, il y a en tout cas de la recherche dans l’écriture pour évoquer une ambiance, des lieux, brosser quelques portraits de policiers, de concierge, de gens ordinaires. Il est bien sûr sympathique de reconnaitre des lieux, d’accompagner l’auteur dans un territoire familier. Toujours est-il que je ne me suis pas pris au jeu de l’intrigue, que l’envie de percer le mystère n’a pas suffi à me faire tourner les pages jusqu’au bout.

https://www.babelio.com/livres/Bialot-Babel-ville/89594#!

Jean Barois

Roger Martin du Gard, 1913. Gallimard La Pléiade, 1955.

Littérature philosophique, ou philosophie littéraire : dans les deux options, une écriture de grande qualité. Sans doute que le format Pléiade y contribue. Il donne un certain cachet au texte, on le lit avec d’emblée une certaine considération respectueuse.

Roman théâtral, ou théâtre romancé : beaucoup de dialogues, de tirades même, pour exposer des conceptions de la vie, du destin, de la science ; des croquis préalables de personnages qui interviennent sur scène ; des interruptions dans le dialogue sur un mode didascalies ; et puis des courriers de correspondance entre les protagonistes.

Beaucoup d’emphase, d’intensité posée par les personnages : la vie est effectivement dramatique, en l’occurrence portée par des engagements idéologiques, qui déterminent les choix d’existence. Martin du Gard semble opiner du côté des conceptions positivistes. La (re) conversion tardive de Barois, malade, est motivée par l’effroi du crépuscule final bien plus que par un raisonnement muri. Comme s’il avait trop investi dans l’argumentation rationaliste au cours de sa vie pour n’avoir plus que la ressource de son intuition à l’issue de son parcours. C’est bien tout ce que montre l’ensemble du récit : les hommes agissent d’abord par passion, s’engagent et s’exposent, puis justifient après-coup leurs actes à grand renfort de certitudes toujours définitives.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Barois

https://www.cairn.info/revue-cliopsy-2014-2-page-91.htm

Requiem

Gyrðir Elíasson. La Peuplade, 2022.

Touchant parce tout ce qu’il laisse deviner au lecteur (ce que j’ai mis du temps du moins à lire) : le glissement dans la folie, quand l’obsession de noter (écrire, tenter de saisir en notes musicales les sons qui captent son attention) tourne à la manie pathologique, à la coupure du monde par l’enfermement dans un carnet. Le voisinage est peu encourageant, la chaleur humaine ambiante à la hauteur des températures de l’été islandais, et les relations professionnelles factices du publicitaire peu engageantes. Reste la musique.

https://lapeuplade.com/archives/livres/requiem

https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/02/10/jacques-aumont-laure-de-chantal-yann-diener-avrom-moshe-fuchs-maja-thrane-les-breves-critiques-du-monde-des-livres_6113192_3260.html

Jean-Luc et Jean-Claude

Laurence Potte-Bonneville. Verdier, 2022

L’écriture d’abord intrigue, attire l’attention, mais je me suis rapidement lassé de jouer aux devinettes. Pourquoi pas.

Cf. sur le site de l’éditeur.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/08/25/laurence-potte-bonneville-jean-claude-mourlevat-sarah-winnemucca-les-breves-critiques-de-la-rentree-litteraire_6139040_3260.html