Le temps des laboureurs – Travail, ordre social et croissance en Europe (XIe-XIVe siècle)

Mathieu Arnoux, Albin Michel, 2012.

Il y aurait une histoire sociale à écrire du travail qui ne soit pas seulement production de « ressources » à partager entre classes dominantes, qui ne se réduise pas à son produit, et même au surproduit indispensable à la superstructure des civilisations ; qui ne réduisent pas les serfs, les esclaves, les artisans à des exploités, agents certes de la production, mais telles des machines (fantasme aristotélicien), c’est-à-dire sans paroles, sans autonomie, sans marge de manœuvre propre par leur travail (qui ne surgissent alors dans l’histoire que par la révolte).

Biais considérable des sources (scripturales, et alors exclusivement le fait des dominants, ou archéologiques, mais alors sans accès à la parole de ceux qui vivaient la).

Travers terrible de la conclusion du Manifeste : « les prolétaires n’ont que leurs chaines à perdre. » Mais comment peut-on travailler enchainés ? Idem pour l’Internationale : « nous ne sommes rien, soyons tout. » Seulement des slogans, certes, mais tout de même…

https://www.albin-michel.fr/le-temps-des-laboureurs-9782226209092

https://journals.openedition.org/crmh/pdf/13043

https://www.lemonde.fr/livres/article/2012/10/18/comment-le-paysan-devint-un-heros_1777069_3260.html

Retour à Lemberg

Philippe Sands, Albin Michel, 2017.

https://www.albin-michel.fr/retour-a-lemberg-9782226395160

https://fr.wikipedia.org/wiki/Retour_%C3%A0_Lemberg

cf. aussi le numéro de la revue Sensibilités « La guerre transmise »

Surement passionnant à lire, mais le livre demande tout de même du temps pour faire connaissance des lieux, des personnages, et je n’ai pas été convaincu de l’intérêt de faire l’effort. La mise en bouche et les derniers moments du procès de Nuremberg m’ont suffi.

Un monde sans ressources – Besoin et sociétés en Europe (XIe-XIVe siècles)

Mathieu Arnoux. Albin Michel, 2023.

Si on entend « ressources » dans sa finitude (et c’est même vrai pour les « RH »), on ne doit pas en user sans se poser la question de meilleurs usages potentiels. Cas extrêmes : le pétrole brulé dans un réservoir de voitures, les métaux rares dispersés dans un missile ayant vocation à exploser, ou même l’électricité nucléaire pour éclairer le jour.

Bonne synthèse : page 176, page 192. Page 200. Remarquable prudence dans la formulation de l’historien professionnel pour éviter les tournures téléologiques (progrès, évolution, etc.) : « un processus lent et complexe de transformation du groupe social des dominants féodaux, aboutissant à l’établissement d’une organisation régionale et d’une hiérarchie dictée par la prééminence du souverain. »

Le « Haut Moyen Âge » est une période très discrète en source faute d’institutions émettrices d’écrits, faute de milieu urbain. C’est pour autant une organisation économique et sociale très durable (page 207). Immense différence avec la période suivante (voire précédente) : les paysans (les producteurs en général) n’ont pas besoin de produire de surplus pour alimenter les « oisifs » (ceux qui ne produisent pas directement, ou qui ne participent pas directement au processus de production alimentaire, et en particulier pas besoin de se consacrer à la céréaliculture, modalité la plus favorable à l’imposition [cf. Scott, Arnoux n’en parle pas]).

Estimation pour le XIVe siècle : un feu paysan approvisionne cinq autres feux urbains en céréales. Ils seraient beaucoup plus facilement autonomes (et donc heureux ?) avec une production plus diversifiée (légumes, fruits, volailles, etc.). Y avait-il des famines et épidémies au Haut Moyen Âge ?

Le développement économique du XIIIe siècle va avec l’augmentation des structures de production. Par exemple « les granges » cisterciennes, entreprises agricoles orientées vers l’alimentation des abbayes, et au-delà des centres urbains. L’accroissement des volumes de production, des moyens techniques, des réseaux de diffusion, et alors des infrastructures économiques et gestionnaires vont de pair, éloigne producteurs et produit de son travail.
Principal besoin en énergie : le moulin, pour moudre le froment !

https://www.albin-michel.fr/un-monde-sans-ressources-9782226477583

https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/01/21/un-monde-sans-ressources-de-mathieu-arnoux-au-moyen-age-l-impense-des-ressources-naturelles_6158805_3260.html

https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2023-2-page-75.htm

https://esprit.presse.fr/actualite-des-livres/alan-lebecque/un-monde-sans-ressources-besoin-et-societe-en-europe-xie-xive-siecles-de-mathieu-arnoux-44704

Parler comme un livre. L’oralité et le savoir ( XVIe – XXe siècle)

Françoise Waquet. Albin Michel, 2003.

De l’écart entre l’oral et l’écrit, certes. Mais aussi entre la parole énoncée, sous quelque forme que ce soit, et l’« impression » (Michelet) qu’il en reste pour le destinataire, auditeurs ou lecteurs. Ce que l’un a écrit ou dit, ce que l’autre en comprend.

De l’art de la transcription : susciter une impression adéquate chez le destinataire, auditeur pour celui qui assiste à l’entretien, lecteur pour celui qui découvre par le récit.

https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-2-page-194.htm