Camille Froidevaux-Mettrie, Anamosa, 2020.
Étiquette : Anamosa
La guerre transmise
Sensibilités #10, Anamosa, 2021.
De nouveau des articles remarquables : Pierre Judet de la Combe à propos de l’Iliade ; Julien Blanc (petit-fils de Jean-Pierre Vernant) et Nicolas Werth (fils de Alexandre Werth) à propos de ce qu’ils font, en tant qu’historien, de leur héritage familial des guerres du XXe siècle.
1797. Pour une histoire météore
Beaucoup d’intentions séduisantes : une focale particulière, concentrant le propos sur la durée d’une année civile ; une épistémologie qui cherche à saisir la complexité autrement que par la description objective, l’exposé des faits, les explications causales, des emboitements de perspectives ; une posture d’auteure impliquée, se montrant au travail ; les objets historiques marginaux dans l’historiographie classique.
1. Mais pourquoi l’année ? Qui plus est dans un calendrier qui n’est pas celui en usage à l’époque ? « L’an six », ça aurait eu de l’allure ! Malgré une rapide allusion aux almanachs en introduction, le propos n’est pas du tout ancré dans une saisonnalité, au temps des repères calendaires spécifiques au rythme annuel. Et le même traitement aurait sans doute pu être appliqué à l’année précédente, ou à la suivante, pourquoi pas au trio 1796 – 1798. Parce que c’est bien son sujet, explicitement annoncé : la période qui termine la Révolution française et qui va déboucher sur le consulat.
L’année n’est pas (du tout) traitée comme objet en soi. Elle est toujours considérée comme un moment d’évolution à d’autres échelles de temps, plus petites. Elle est d’emblée pointée comme singulière parce que sans « grand-événements », sans perspectives de commémorations décennales, et ne vaudrait alors que rapportée à d’autres années d’importance, à commencer par 1789 (« l’année ou… »). Mais elle est ensuite ignorée, pas du tout substantivée, même sous le petit nom que l’auteur lui attribue, « 97 ».
2. L’approche épistémologique est de tirer au maximum sur la ficelle métaphorique de la météorologie (je n’avais jamais réalisé qu’il y a ce « ro » après « météo », pour désigner la diversité des phénomènes atmosphériques). Au risque d’être brumeux… C’est l’impressionnisme, ou Turner, qui l’emporte, plutôt que des grands peintres naturalistes américains (Albert Biestadt). C’est l’esthétique qui domine : c’est aérien, éthéré même, donc plaisant, mais finalement pas très consistant à mon gout. Comme si on laissait au lecteur la responsabilité d’en dégager un peu de sens, d’identifier les fronts froids et les fronts chauds.
3. L’abus de métaphore n’empêche pas une lecture platement déterministe, téléologique : la naissance de, la fin de, la transition entre, les premiers pas de (ce qui va advenir, ce qui est advenu, la suite que le lecteur connait bien). Peu d’aléas climatiques dans cette météo !
4. Une auteure qui s’expose, qui ne prétend pas faire œuvre objective, mais qui semble vouloir surtout se justifier, voire se regarder écrire, plus ce que montrer son travail artisanal.
5. Ce n’est pas (du tout) de l’histoire politique ou sociale classique, et les Soboul et consorts paraissent bien désuets d’un coup. Mais c’est une histoire très intellectuelle, parce que fondée sur des auteurs, des commentateurs de l’époque. Ils sont considérés comme connus, et le propos verse souvent dans le méta discours plutôt que de récits.
Plus ambitieux que convaincant au final, dommage. À suivre ? Comment aurait-il fallu s’y prendre ? Pour en faire quoi ?