Jean-Philippe Bouilloud, Érès, 2023.
https://www.editions-eres.com/ouvrage/5055/pouvoir-faire-un-beau-travail
Si je me fie à mon sens esthétique, je dirais : « livre raté ». Je pourrais chercher à rationaliser cette impression : la perplexité à tenter de suivre le fil d’une pensée qui musarde beaucoup, qui papillonne d’une référence à l’autre ; le flou conceptuel autour du « beau travail », qui amalgame la belle ouvrage de l’artiste, le beau geste du manager vertueux, le travail bien fait de l’OS sur la chaine qui visse de son mieux les boulons, voire du détenu du camp qui tient malgré tout à monter son mur droit ; à un autre niveau, la rédaction souvent un peu lourde à mon oreille (par exemple, en ouvrant le livre au hasard, page 101 : « parallèlement à cette montée en puissance d’une approche rationnelle du travail dans un contexte de montée en puissance du capitalisme industriel, les objets de l’artisanat deviennent un nouvel enjeu industriel, qui va permettre une production de masse. » Pour moi, à tout point de vue, vraiment pas une belle phrase !). Mais j’ai envie de prendre au sérieux ce souci de cultiver le sens esthétique comme critère de jugement : il n’est pas indispensable de mobiliser une argumentation savante pour estimer, à la vue d’un champ de panneaux solaires au milieu d’une campagne, des entrepôts d’une zone commerciale, au bruit à l’odeur d’un péage d’autoroute, que quelque chose cloche dans notre monde. Je sors de cette lecture avec un sentiment de frustration, parce que le sujet est d’importance, de déception, parce que le titre et le sommaire sont aguicheurs, d’indigestion, parce que la multitude de références de considérations sociohistoriques qui s’enchainent de page en page mériterait beaucoup plus de soins et d’égard, de l’auteur comme du lecteur. Reste une envie, ajouter cette question au panel des relances dans un entretien de collecte : c’est quoi pour vous, du beau travail ?