La logique en images

Dan Cryan, Sharron Shatil, EDP Sciences, 2015.

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Définition initiale, page 3 : « la logique est tout simplement l’étude des arguments qui préservent la vérité. » « Tout simplement », peut-être, mais cela ne concerne que la logique du langage humain, et il faudrait une autre définition pour les machines ! Pourquoi faudrait-il étudier la logique, alors que l’immense majorité des humains raisonnent, et que même les logiciens ne sont pas à l’abri d’erreurs de raisonnement communes ? Faut-il étudier la rhétorique pour faire des discours ? La narratologie pour raconter ? Quelle bizarre idée, dès Aristote, de vouloir raisonner pour démontrer que Socrate est mortel ! Si ça n’est pas un jeu de langage : triturer des mots pour découvrir des vérités évidentes pour un enfant. Un point d’orgue au Moyen Âge : « Le logicien était une sorte d’alchimiste qui jouait avec des concepts pour obtenir des arguments solides. » Questions à renvoyer à tous les lettrés déconnectés de l’activité laborieuse : votre usage du langage n’est-il pas un peu artificiel ?

Bascule avec Leibniz : le premier à recourir au formalisme mathématique. Le premier aussi avoir la prétention extraordinaire de formuler, et pourquoi pas découvrir, les règles du raisonnement juste. Fil à suivre jusqu’à Frege, puis Russell : des philosophes encore ancrés dans le langage, mais qui tentent de recourir à un formalisme récurrent du côté des mathématiques. D’où peut-être deux branches à distinguer :

  • La logique comme tirant du côté des mathématiques, avec Cantor, puis Hilbert, Gödel, Turing, avec bien des applications dans l’élaboration d’algorithmes, donc un langage convenant pour le fonctionnement de machines à calculer.
  • La logique s’efforçant de décrire le fonctionnement du langage humain, et c’est Wittgenstein qui assume, dans son parcours personnel, cette bascule. Certains s’acharnent : Carnap, Popper, Chomsky, Davidson (Vérité signification 1966 : combler les lacunes de la langue naturelle…).

Page 35. Distinction entre trois « projets » dans la logique moderne : mathématique (avec le fantasme d’unifier, voire de fonder les différents champs mathématiques), philosophique (parler de façon cohérente du réel), symbolique (tableaux de vérité du Tractatus)

Page 50. Problème de Russell : « avec le modèle sémantique théorique, nous pouvons savoir dans quel modèle la proposition “Socrate est un homme” est vraie. » Mais est-ce bien nécessaire ?…

La crise des paradoxes est une charnière de la scission entre logique formelle et analyse du langage. Cœur du paradoxe du menteur : « cette phrase est fausse ». Pour celui de Russell : le mot « hétéro logique » et hétéro logique.

Même le paradoxe de Zénon oblige à recourir à des artifices du langage : limite, infini.

Est-il bien nécessaire de comprendre (élaborer !) le théorème de Gödel pour être convaincu que les mathématiques ne peuvent couvrir le réel, que le langage, même formel, est faillible ? Qu’est-ce qu’aurait apporté la démonstration inverse ?

Paradoxe sorite : une proposition peut-elle être presque vrai ?

Argument du diable : la séquence 666 apparait-elle parmi les décimales depuis ?

Relire le Tractatus à la lumière de cette idée ? L’échelle qu’il s’agit de retirer, ce pourrait être celle qui permet de franchir le mur séparant la philosophie de l’étude des mécanismes artificiels chers à ceux qui veulent faire parler les machines.

Un mérite de ce livre : aborder un grand nombre de penseurs, embrasser un large champ d’études, en laissant le lecteur prendre la mesure de ce paysage.

Question décidément extraordinairement mystérieuse, en tout cas fondamentale : comment se fait-ce qu’on puisse évoquer le monde en produisant des sons ?

Ce qui n’empêche pas de chercher à comprendre des particularités du langage mathématique de langage humain : Brouwer.

Développement final : logique par expérimentation (induction ou déduction) : comment passer à la généralité ?

Quine : les croyances (connaissances…) constituent un réseau, avec des parties plus ou moins serrées, plus ou moins molles. Relativisme, jusqu’à Feyerabend.

Le mot de la fin pour Wittgenstein : « S’il y avait une “solution” au problème logique, alors nous devrions simplement garder à l’esprit qu’à une époque, il n’avait pas été résolu (et aussi qu’on devait pouvoir vivre et penser). »