Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées

Carl Gustav Jung, 1961. Gallimard, 1973.

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Des évènements marquants, bouleversants même, dont je ne garde qu’un souvenir obscur et fragmentaire : une culbute du haut d’un escalier, un heurt violent contre le bord du poêle. J’en ressens encore la douleur et revois le sang ; un médecin vient coudre la blessure de ma tête, blessure dont la cicatrice était encore visible dans mes dernières années de collège. Ma mère m’a raconté qu’un jour, étant allé avec la bonne sur le pont des chutes du Rhin, je tombai soudain et une de mes jambes glissa sous le parapet. La servante put tout juste me rattraper et me ramener à elle. Ces évènements indiquent une tendance inconsciente au suicide ou une résistance néfaste à la vie dans ce monde.

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La différence entre la plupart des hommes et moi réside dans le fait que, en moi, les « cloisons » sont transparentes. C’est ma particularité. Chez d’autres, elles sont souvent si épaisses, qu’ils ne peuvent rien voir au-delà et pensent par conséquent qu’au-delà il n’y a rien. Je perçois jusqu’à un certain point les processus qui se déroulent à l’arrière-plan et c’est pourquoi j’ai une sécurité intérieure. Quiconque ne voit rien n’a aucune sécurité et ne peut tirer aucune conclusion ou n’accorde aucune confiance à ses conclusions. J’ignore ce qui a déterminé ma faculté de percevoir le flot de la vie. C’était peut-être l’inconscient lui-même. Peut-être était-ce mes rêves précoces. Ils ont dès le début déterminé mon cheminement.

La connaissance des processus de l’arrière-plan a déjà, très tôt, préformé ma relation avec le monde. Au fond, elle était déjà dans mon enfance ce qu’elle est aujourd’hui. Enfant, je me sentais solitaire, et je le suis encore aujourd’hui, car je sais et dois mentionner des choses que les autres, à ce qu’il semble, ne connaissent pas ou ne veulent pas connaitre. La solitude ne nait point de ce que l’on n’est pas entouré d’êtres, mais bien plus de ce que l’on ne peut leur communiquer les choses qui vous paraissent importantes, ou de ce que l’on trouve valables des pensées qui semblent improbables aux autres. Ma solitude commença avec l’expérience vécue de mes rêves précoces et atteignit son apogée à l’époque où je me confrontais avec l’inconscient. Quand un homme en sait plus long que les autres, il devient solitaire. Mais la solitude n’est pas nécessairement en opposition à la communauté, car nul ne ressent plus profondément la communauté que le solitaire ; et la communauté ne fleurit que là où chacun se rappelle sa nature et ne s’identifie pas aux autres.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma_vie._Souvenirs,_r%C3%AAves_et_pens%C3%A9es

Peur de manquer – L’angoisse du manque

Nicole Fabre, In Press, 2016/2022.

De la bonne psychanalyse, car ancrée dans la pratique (au risque du conflit idéologique en évoquant des situations cliniques ?). Mais ça me parait bien plus précis et alors évocateur que les généralités façon Mélanie Klein.

Aux origines féminines de la sexualité

Jacques André, PUF Quadrige, 1995.

https://www.cairn.info/aux-origines-feminines-de-la-sexualite–9782130544173.htm

Page 8. L’amour hétérosexuel ne va pas de soi du fait du caractère pulsionnel (contingence de l’objet, des zones érogènes comme des objets investis par la pulsion) et non instinctuel à (l’instinct renvoyant à la finalité procréatrice) : d’où la psychosexualité, qui déborde l’opposition entre la femme et l’homme (et qui permet par exemple à un psychanalyste d’un sexe d’écouter l’autre).

Page neuf. « La dynamique narcissique est dans l’amour ce qui travaille à refermer des brèches ouvertes par l’irruption de l’irréductible altérité. » (L’autre, l’autre corps, l’autre sujet)

Page 13. « Celui dont les lèvres se taisent bavarde du bout des doigts. »

Page 17. Le père de Dora est séducteur du seul fait d’aimer sa fille ; et non d’abuser d’elle ?

Page 59. « Il est peu vraisemblable qu’une théorie de la sexualité échappe totalement à l’attraction des théories sexuelles inconscientes de son auteur. » (Nathalie Zaltzman)

Il le discute avant tout de la théorie (des théories, des convictions théoriques, des assertions à la fois définitives et incertaines, figées et labiles) de Freud, pour en montrer les fragilités et les indécisions, plutôt qu’il en affirme une autre. Mais ne suffit-il pas de pointer l’importance de ces phénomènes ? Fantasme de la pénétration de l’autre ou de soi, anale ou vaginale, du viol ou de la castration, de l’amour ou du rejet, de soi ou de l’autre : tout ça est bien là, dans des configurations toujours changeantes, selon les individus et les contextes sociaux.

Page 65. Freud et le primat du phallus, c’est comme l’homme qui cherche ses clés sous le réverbère.

Page 117. Anatomie et fantasme (biologique, physiologique et imaginaire)

Page 122. Définition de la « passivité pulsionnelle » : jouir de ce qui (vous) arrive.

Page 123. Du masochisme : du plaisir à avoir mal.

Beaucoup de ses considérations tournent autour (!) de l’opposition fondamentale intérieur/extérieur, et alors ce qui pénètre, et ce que produit la pénétration. Opposition constitutive d’un être : ce qui délimite ce qui me pénètre/ce que je fais sortir (et on retrouve aussi passivité/activité). Ceci dès le souffle : aspirer/expirer. Boulimie/constipation. L’estomac cavité comme le vagin. Même la voix sort de la bouche, celle d’autrui rentre par l’oreille.

Un angle mort, me semble-t-il : les seins, protubérances féminines, qui émettent le lait nourricier. Ça vaut bien le phallus, et alors plus que deux mentions au détour d’un raisonnement.

Psyché anarchiste – Débattre avec Nathalie Zaltzman

PUF, 2011.

https://www.puf.com/content/Psych%C3%A9_anarchiste

Compilation de textes d’orientation psychanalytique beaucoup plus que politique. Elle définit la « pulsion anarchiste » en contrepoint de la « pulsion de mort », pour faire un peu plus sophistiqué que « pulsion vitale », pour aller voir aussi du côté des expériences limites.

Il y a vraiment beaucoup à comprendre dans le discours rabattant l’humanité sur une compétition avec les machines douées « d’intelligence artificielle ». Ça en dit très long sur le degré de mécanisation, d’administratisation (ça mérite bien un néologisme, et bureaucratisation me semble un peu court) de notre société.

Vers une psychanalyse émancipée – Renouer avec la subversion

Laurie Laufer, La Découverte, 2022.

https://www.editionsladecouverte.fr/vers_une_psychanalyse_emancipee-9782348069710

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/laurie-laufer-la-psychanalyse-a-du-mal-a-inventer-un-autre-langage-a-penser-au-dela-de-freud-et-lacan_6137992_3232.h

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-idees/la-psychanalyse-doit-elle-etre-en-phase-avec-l-epoque-7608728

https://www.mouvement.net/laurie-laufer

D’un subtil rapport aux pères (Freud, Lacan) : critiquer ceux qui les dogmatisent, qui s’érigent en défenseurs de la statue indéboulonnable, mais en puisant dans le corpus paternel. Alors, être fidèle ou ne pas l’être ? Se montrer plus freudien ou lacanien (ou marxiste) que les épigones ?

Page 25. Critique de la substantialisation (naturalisation) de concepts, quand il faudrait plutôt les réhistoriciser.

Page 33. « La psychanalyse prolifère sur l’excès, sur les restes irréductibles de la norme. »

Page 37. La psychanalyse permet de dépasser l’opposition entre normal et pathologique en matière de sexualité : donc, ne pas la rabattre sur la normalité d’une différence des sexes.

Le risque constant des psychanalystes : si tu n’es pas d’accord avec moi, c’est bien que j’ai raison.

Page 105. La cure ne vise pas à révéler du refoulé, à verbaliser du non su, mais à inventer autre chose à partir de ce qui est là, réagencer, reconfigurer, faire voir autrement.

Page 107. Promotion de la psychanalyse comme « érotologie » versus « scientia sexualis » normative.

Page 122. De la société du droit (et donc de l’infraction) à celle de la norme (et alors de la pathologie) ?

Page 154. De la dérive identificatoire. Mais désigner, c’est aussi reconnaitre, regrouper avec d’autres, faire collectif.