L’entrée est très historique : les Freinet dans le contexte de leur époque aux prises avec une administration. L’écriture s’appuie beaucoup sur des sources, en particulier la correspondance de l’instituteur avec son inspecteur, son recteur, le ministre même. Il y a quelque chose de plus direct, de plus simple qu’aujourd’hui, mais pas moins de contrôle hiérarchique, peut-être même plus de regards sur la bonne moralité du fonctionnaire. Un regret : la problématique semble avant tout orientée par les archives disponibles, en tout cas celles consultées, et on ne voit pas beaucoup Freinet animateur d’un réseau de correspondants, inscrit dans un mouvement collectif de la profession.
Catégorie : Éducation
La langue est-elle fasciste ?
Hélène Merlin-Kajman, Seuil, 2003.
L’auteure a-t-elle choisi le titre ? Il n’est pas seulement racoleur, il oriente le propos : une fausse question, puisqu’on se doute bien que l’auteure n’y répondra pas par la positive ; une curieuse promotion du point de vue de l’adversaire, puisqu’on prend son affirmation au sérieux, on annonce la nécessité d’y consacrer un livre ; la perspective d’un règlement de compte, on subodore l’envie de clore définitivement le bec à ceux d’en face. Ça va dézinguer.
Et les grosses ficelles argumentatives ne tardent pas : caricaturer le propos de l’adversaire désigné pour en fustiger ensuite les outrances. Comment ose-t-il ? D’autant moins acceptable, osons le dire, de la part d’érudits de la langue : rester collé à des mots brandis en étendard provocateur, s’amuser de chiffon rouge comme si l’intellectuel d’en face n’était qu’un taureau.
Encore plus ridicule, pour prendre un mot de l’époque : l’auteure remonte aux académiciens du XVIIe siècle, pour montrer leur souci vertueux de promouvoir une langue vectrice d’une culture commune, d’intercompréhension. Assurant pas des fascistes, certes… Même qui s’ignorent. Mais qu’il est naïf de faire comme si les usages de la langue dans une société tenaient aux intentions d’académiciens, si bonnes ou au contraire si perverses soient-elles.
Pour finir, de quoi mettre tout le monde (ou personne) d’accord : « le français ne restera une langue vivante qu’en se nourrissant en permanence de la tension entre la norme et son refus. » Tout ça pour ça… Il y aura de quoi faire un autre livre à décortiquer les métaphores de cette forte affirmation.