Serge Audier, La Découverte, 2018.
https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921
Les arguments principaux dans le sens d’une dimension écologique chez Marx et Engels : la revendication (la perspective ? La prophétie ?) d’une dissolution entre villes et campagnes dans le Manifeste. Mais on ne comprend pas bien la dialectique à l’œuvre, si on ne se remet pas un choix volontariste, qui dépasserait alors les déterminismes productifs ou sociaux. Et le sujet ne revient pas par la suite.
La prise en compte de travaux alertant sur l’épuisement des terres (en particulier le chimiste Liebig), parce que ce sont des lectures dans l’air du temps. Par contre, d’autres auteurs comme Sismondi s’occupant eux de dénoncer le caractère éphémère destructeur de la grande industrie sont au contraire vilipendés.
Un peu la même chose pour Lénine : une pincée de sensibilité écologique (en particulier sur la protection des espaces naturels, un décret de début 1918) dans un plat par ailleurs très épicé de par la confiance dans le progrès des sciences pour maitriser le rapport à la nature.
C’est bien écrit, précis et clair, et d’une érudition remarquable, au service d’un axe explicite, bien repris en conclusion. Un peu de la veine de Jablonka, Mazurel : un compilateur aux capacités de travail assez prodigieuses.
L’âge productiviste ne se limite pas aux acteurs du capitalisme (ou alors il faut aller jusqu’à les y intégrer !). Bien des militants « de gauche » partagent l’imaginaire d’une humanité soulagée de ses maux par la mise en œuvre du progrès technique (y compris Audier lui-même, qui nous sert les tartes à la crème sur l’espérance de vie ou le confort moderne tout de même appréciable, n’est-il pas).
Mais ce n’est pas juste une erreur sans conséquence. Se rallier à la perspective de la croissance de la production, c’est contribuer à la folie prédatrice, délétère pour l’humanité, quel que soit le cadre économique, politique (qui ont toujours en commun que ce sont des bureaucraties qui sont à la manœuvre, parce qu’indispensable pour maitriser un tant soit peu ces techniques de production).
Tout le problème (et la distance avec mon approche !) tient en une phrase (page 746) : « seules l’autonomie et la réflexivité individuelles et collectives, repensées dans l’horizon écologique, peuvent nous sauver. »
Pages 745. Il se réfère beaucoup à Castoriadis, en particulier, à commencer par la distinction d’« imaginaire » (en gros, l’imaginaire capitaliste vs l’imaginaire autonomie, démocratie), mais pour reconnaitre ensuite que ces deux catégories « se sont mêlées, combinés, voir mutuellement contaminer », quels sont donc peu opératoires… Et plus loin (page 747) sa conception du progrès, qui ne va pas chercher très loin. Il oppose « l’utopie, l’invention d’une société écologique » à la « croyance » marxiste d’un communisme « prolongement dialectique du capitalisme ».